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JAMES HENRY (1843-1916)

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Secret et mort

Très souvent, l'homme apparaît chargé d'un secret lourd à porter dont il cherche fiévreusement à se délivrer, mais les femmes confidentes ne peuvent le comprendre ou l'apaiser malgré l'amour qu'elles offrent. Cette opposition entre une quête passionnée et une offrande inutile est à l'origine d'un réseau d'associations (secret, vice, confidence, réceptacle) qui plonge nombre de romans et nouvelles dans une ombre inquiétante. Si la femme entre en possession du secret, elle paye souvent ce mystère de sa vie : femme et secret périssent ensemble comme dans La Bête dans la jungle (The Beast in the Jungle, 1903). De façon générale, la clef de l'énigme reste introuvable, qu'elle soit perdue, ensevelie sous les cendres, hors d'atteinte ou préservée par la mort. La mort est un des grands thèmes de cette œuvre élaborée en vue d'affirmer d'autres valeurs que celles de la vie. La possession charnelle, celle des objets et de l'argent, sont incompatibles avec celle des richesses intérieures. « Je dis que les gens sont riches quand ils peuvent satisfaire aux besoins de leur imagination », écrit James. Ceux qui prétendent confondre les plans, vivre à la fois par la chair et par l'esprit, sont cruellement punis comme dans Les Dépouilles de Poynton (The Spoils of Poynton, 1897), où deux mondes inconciliables s'entrecroisent : celui de la niaiserie du confort, celui des affinités secrètes fondées sur l'amour du beau. Un continuel renversement des valeurs attaque toujours l'action et les valeurs vitales tournées en dérision : ce sont les morts qui vivent, comme dans la nouvelle Maud-Evelyn (1900) ou dans Les Ailes de la colombe (The Wings of the Dove, 1902). Ce sont les exclus, les voyeurs, les malades, ceux qui ont su renoncer, faibles en apparence seulement, qui triomphent. Ce rétablissement du héros sert le besoin d'une vengeance secrète exercée contre ceux qui possèdent et dominent. Qui perd gagne, dans ce monde où le manque est signe de richesse, où le caché et l'absence sont les indices inquiétants d'une présence, où le renoncement est la voie qui mène à la connaissance, tout comme chez Emily Dickinson, dont la devise « Dire toute la vérité, mais la dire de biais » pourrait bien être celle de James.

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Pour citer cet article

Diane de MARGERIE. JAMES HENRY (1843-1916) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Henry James - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henry James

Nathaniel Hawthorne - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Nathaniel Hawthorne

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par , , , , , , et
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    L'Américain est-il alors un nouvel Adam capable de réinventer l'homme ? H. James (1843-1916) intitule un de ses romans L'Américain (The American, 1887) et baptise son héros Christopher Newman (Christophe, comme Christophe Colomb, et Newman, l'homme nouveau) ; ou bien ce héros n'est-il qu'un...
  • FORSTER EDWARD MORGAN (1879-1970)

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    Le thème du voyeur participant à l'amour par procuration rapproche Forster de Henry James et de ses récits où l'on voit des célibataires en marge dialoguer avec d'indulgentes confidentes. Livre étrange et séduisant, le Journey n'est pas exempt de maladresses qui ajoutent à son charme....
  • GOTHIQUE LITTÉRATURE & CINÉMA

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    ...(1898), version fin de siècle de Jane Eyre, a pour cadre un grand manoir, proche d’un étang, avec une tour médiévale où apparaît un spectre. Mais le récit très élaboré d’Henry James rejette les clichés gothiques pour mettre l’accent sur l’intériorité psychique de la jeune gouvernante qui est aussi...
  • POINT DE VUE, littérature

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    L'usage du terme et de la notion de point de vue remonte probablement à l'œuvre de Henry James et aux préfaces qu'il écrivit pour un certain nombre de romans dans lesquels il fait un usage systématique et personnel d'un procédé littéraire déjà connu : raconter une histoire entière par le moyen...

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