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CLOUZOT HENRI GEORGES (1907-1977)

La place d’Henri-Georges Clouzot dans l'histoire du cinéma est malaisée à définir. Si tel de ses films a connu un succès considérable (Le Salaire de la peur), tel autre fut une expérience de laboratoire (Le Mystère Picasso). Tantôt il s'enlise dans le commercialisme le plus épais, tantôt il fait œuvre d'avant-garde. Un même ouvrage peut charrier le meilleur et le pire : c'est le cas des Diaboliques. La reprise obsédante de certains thèmes (l'innocence outragée, le voyeurisme, la délation), son goût du morbide et du crapuleux, la tyrannie qu'il exerce sur ses comédiens, sa situation volontairement marginale dans l'industrie du film en font un auteur à part, presque inquiétant.

<it>Les Diaboliques</it>, de Henri Georges Clouzot - crédits : Filmsonor S.A./ Collection privée

Les Diaboliques, de Henri Georges Clouzot

Clouzot fut, durant les premières années du « parlant », scénariste et dialoguiste (non crédité) de nombreux films, plus médiocres les uns que les autres. Il travailla pour la radio, l'opérette, le Grand-Guignol. Sa première mise en scène « officielle » fut, en 1941, L'assassin habite au 21, adaptation originale d'un roman policier du Belge Stanislas-André Steeman, dans la série des « Monsieur Wens ». Puis ce fut, en 1943, Le Corbeau, où l'on trouve déjà, épars, tous les traits caractéristiques de son style : pessimisme, noirceur, violence érotique, goût affirmé pour la pourriture. La référence à Zola ou à Céline s'impose (et, sur le plan cinématographique, à Stroheim). Ce film, produit par la firme sous contrôle allemand Continentale, valut à son auteur, à la Libération, d'être proscrit « à vie » par les commissions d'épuration ! Il n'en continua pas moins de tourner : Quai des Orfèvres (1947), une transposition moderne (et discutable) de Manon Lescaut (1948), Miquette et sa mère (1949), Le Salaire de la peur (1952), Les Diaboliques (1955), Les Espions (1957), La Vérité (1960), La Prisonnière (1968). Parfois Clouzot y atteint à un véritable délire baroque, à mi-chemin de Kafka et de l'expressionnisme allemand ; ailleurs, il s'englue dans la rumination de ses fantasmes.

« Monstre » pour les uns, grand créateur romantique pour d'autres, intransigeant, irascible, insaisissable, pétri de contradictions, Clouzot partage avec Hitchcock une fascination évidente pour le mal. « C'est terrible à dire, observe le héros du Corbeau, mais le mal est nécessaire. » Reste à savoir si, dans son œuvre, Clouzot parvient à libérer cette force démoniaque ou s'il ne fait qu'en proposer de grinçantes caricatures.

— Claude BEYLIE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-I, historien du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Claude BEYLIE. CLOUZOT HENRI GEORGES (1907-1977) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Les Diaboliques</it>, de Henri Georges Clouzot - crédits : Filmsonor S.A./ Collection privée

Les Diaboliques, de Henri Georges Clouzot

Autres références

  • LE CORBEAU, film de Henri-Georges Clouzot

    • Écrit par Michel CHION
    • 1 160 mots

    Produit durant la période de l'Occupation, sous contrôle allemand, par la firme Continental, second film d'un jeune réalisateur que vient de révéler le divertissement policier L'assassin habite au 21 (1942), Le Corbeau est un pamphlet, dans lequel une campagne de lettres anonymes...

  • DELAIR SUZY (1916-2020)

    • Écrit par Christian VIVIANI
    • 822 mots
    • 1 média

    Suzanne Pierrette Delaire, dite Suzy Delair, naît le 31 décembre 1917 à Paris, dans un milieu modeste. Suivant la profession de sa mère, elle apprend le métier de modiste, mais rêve de théâtre. Elle survit un temps grâce à de petits rôles au théâtre et déjà au cinéma. Bientôt c’est sa voix, jolie...

  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias
    ...la lenteur de certains gestes a un sens symbolique : ainsi le célèbre gant ôté dans Gilda (1946, K. Vidor). Autre symbole bien connu, celui du lait : Clouzot dans La Prisonnière (1967-1968) reste fidèle à lui-même en reprenant le type du collectionneur de photographies pornographiques, épisodique dans...
  • FRANCE (Arts et culture) - Le cinéma

    • Écrit par Jean-Pierre JEANCOLAS, René PRÉDAL
    • 11 105 mots
    • 7 médias
    ... Claude Autant-Lara (1901-2000) avec Douce, Jacques Becker (1906-1960) avec Goupi Mains-Rouges, Robert Bresson (1901-1999) avec Les Anges du péché, Henri-Georges Clouzot (1907-1977) avec Le Corbeauamorcent entre 1941 et 1943 des filmographies qui couvriront plusieurs décennies après la guerre. Des...
  • MONTAND YVES (1921-1991)

    • Écrit par Michel P. SCHMITT
    • 1 450 mots
    ...la nuit (Marcel Carné, 1946) et le peu d'éclat d'autres films correspondent à une époque médiocre qui prend fin avec l'année 1953. Henri-Georges Clouzot lui confie alors le rôle d'un aventurier dans Le Salaire de la peur. La compagnie de Charles Vanel et de la nitroglycérine,...

Voir aussi