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HEIKE MONOGATARI

Des grandes « chroniques guerrières » (gunki) du Moyen Âge japonais, le Heike monogatari, la « Geste du clan Hei » (ou Taira), est la première en date et la plus importante. Chant épique déclamé aux carrefours ou dans les châteaux par des « moines » aveugles, il contribua puissamment à la formation d'une culture populaire commune ; au théâtre, il fournit ses techniques musicales et vocales ainsi que ses thèmes favoris ; les prosateurs y puisèrent des modes d'expression nouveaux, une langue plus riche, un style plus proche de la vie. De nos jours, enfin, il reste une mine inépuisable de sujets historiques pour le cinéma.

Genèse et développement

Divers noms ont été avancés pour le ou les auteurs présumés du Heike. Mais ce sont autant d'affirmations gratuites qu'aucune preuve sérieuse n'étaie. L'étude de la tradition manuscrite montre du reste que, malgré la cohérence indéniable du dessein général, nombreux ont dû être ceux qui ont apporté leur pierre à l'édifice.

Cent vingt-six manuscrits connus (chiffre provisoire, car l'on en découvre sans cesse), qui peuvent être classés en vingt-deux familles, permettent de reconstituer la genèse et de suivre le développement de ce chef-d'œuvre de la littérature épique.

Si la « vulgate » (rufu-bon) en effet, représentée par quatre-vingt-quatorze manuscrits, et qui connut au xviie siècle les honneurs de l'impression, est en douze livres, d'autres versions en donnent un état antérieur en six livres, ou postérieur en vingt ou quarante-huit livres. Ce dernier état comporte des additions d'une telle ampleur qu'on a pu longtemps le tenir pour une relation entièrement distincte et plus détaillée des mêmes événements, à laquelle on avait donné le titre de Genpei seisuiki, « Chronique de la grandeur et de la décadence des Minamoto et des Taira ». Une étude comparée montre en fait que le Seisuiki n'est qu'un délayage du Heike, tellement encombré de digressions que toute trace de son unité primitive est effacée.

L'existence d'une division primitive en six livres est d'autant plus instructive qu'elle apparaît précisément dans le manuscrit le plus ancien, celui dit « de l'ère Enkei » (1308-1309), encore que le contenu en soit déjà très proche de la « vulgate ». La découverte enfin dans le catalogue d'une bibliothèque, daté de 1363, de la mention d'une version du Heike en trois livres, aujourd'hui disparue, complète le tableau. Certaines indications portent à croire que cette version datait des environs de 1220 et qu'elle était donc d'une quarantaine d'années seulement postérieure aux faits qu'elle relatait.

Le rapprochement que l'on ne peut manquer de faire avec deux autres documents de tout temps mis en parallèle avec le Heike – le Hôgen monogatari et le Heiji monogatari, qui font le récit d'événements de peu antérieurs à ceux que rapporte ce dernier – permet d'avancer une hypothèse séduisante et convaincante sur les origines de la grande épopée.

Hôgen et Heiji sont en effet divisés en trois livres ; l'un et l'autre peuvent être datés des premières années du xiiie siècle et sont si proches par le style et la conception que l'on admet généralement que leur auteur, encore qu'il soit inconnu, est le même. Et de chacun d'eux, il existe une seconde version de ton épique, visiblement due à un remaniement fait en vue de la récitation. Or, la critique interne des manuscrits les plus anciens du Heike a permis de déceler les traces des trois livres primitifs ; on peut donc supposer raisonnablement que ce premier état du texte, sans doute destiné à la lecture publique comme le Hôgen et le Heiji, et voisin par sa forme de la version originale de ces derniers, avait lui aussi dans un premier temps subi[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

René SIEFFERT. HEIKE MONOGATARI [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HEIKE MONOGATARI (anonyme) - Fiche de lecture

    • Écrit par Florence BRAUNSTEIN
    • 846 mots

    Le Heike Monogatari appartient au genre des chroniques guerrières, les gunki, tout comme le Hōgen Monogatari, « Récit (des troubles) de l'ère Hōgen » et le Heiji Monogatari, « Récit (des troubles) de l'ère Heiji ». Cependant le Heike Monogatari est de loin le plus célèbre,...

  • ÉPOPÉE

    • Écrit par Emmanuèle BAUMGARTNER, Maria COUROUCLI, Jocelyne FERNANDEZ, Pierre-Sylvain FILLIOZAT, Altan GOKALP, Roberte Nicole HAMAYON, François MACÉ, Nicole REVEL, Christiane SEYDOU
    • 11 781 mots
    • 7 médias
    ...en réalité des textes de natures très diverses, particulièrement dans leur rapport à l'oralité. En fait, il n'existe peut-être qu'une seule œuvre, le Heike monogatari (l'histoire de la maison des Taira) qui, par le sujet, la forme et l'ampleur, puisse être d'emblée qualifiée d'épique. D'un autre côté,...

Voir aussi