Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LE GRAY GUSTAVE (1820-1884)

Gustave Le Gray compte parmi ces auteurs pionniers dont l'œuvre et l'influence sont unanimement reconnues par les histoires de la photographie, mais dont la biographie et la psychologie restent encore, à bien des égards, mystérieuses. Baudelaire aurait-il rangé Gustave Le Gray, cet ancien élève de Paul Delaroche, parmi les « peintres manqués, trop mal doués » qui auraient trouvé refuge dans l'industrie nouvelle, « servante des sciences et des arts » ? Peintre, pour le moins infortuné, Le Gray, comme d'autres photographes de sa génération, se tournera dès 1840 vers la photographie et pourra y déployer, outre ses qualités de chimiste, son tempérament artistique. À cette époque charnière où la photographie vient de naître, Le Gray jouera un rôle important dans l'évolution technique des procédés : à l'ère du calotype — négatif sur papier —, il est l'auteur d'une amélioration, l'utilisation de la cire sèche, que de nombreux photographes adopteront aussitôt.

Le Brick, G. Le Gray - crédits : Gustave Le Gray/ Hulton Archive/ Getty Images

Le Brick, G. Le Gray

La carrière de Le Gray promet dès lors d'être brillante. Encensé par la critique, il participe à toutes les grandes expositions, et reçoit de nombreuses commandes officielles : en 1851, il est choisi par la commission des Monuments historiques, dans le cadre de la Mission héliographique — premier inventaire photographique du patrimoine architectural de la France — pour parcourir l'Aquitaine et la Touraine, en compagnie de son élève Mestral. En 1852, il exécute pour le compte de l'administration des Beaux-Arts un album photographique sur le salon annuel ; en 1857, enfin, à la demande de Napoléon III, il traite, sur le mode épique, des manœuvres militaires au camp de Châlons. Il explore également toutes les ressources du calotype dans ses travaux plus personnels : compositions lyriques de la forêt de Fontainebleau ou marines justement célèbres ; ces instantanés lumineux paraissent annoncer la peinture impressionniste.

Vers 1855, il quitte son premier atelier du 112, rue de Richelieu et, selon les mémoires de Nadar, s'installe somptueusement, grâce à un mécène, le comte de Briges, dans l'immeuble situé boulevard des Capucines, où Nadar lui-même viendra en 1860. Considéré par ses contemporains comme « le plus adroit praticien des premiers temps de la photographie », il se révèle un parfait pédagogue et forme tour à tour Léon de Laborde, Édouard et Benjamin Delessert, Adrien Tournachon, frère de Nadar, Charles Nègre et Henri Le Secq, qui pour la plupart deviendront de grands photographes.

Hélas, dépourvu de sens commercial, Le Gray, malgré son talent, ne pourra faire face à la concurrence très âpre provoquée par la vogue du « portrait carte de visite » lancé en 1854 par le photographe français Disdéri. Il abandonne, en 1859, son atelier. Cette rupture est existentielle autant que professionnelle : il quitte également sa famille, part à l'aventure. On retrouve sa trace à Palerme, à Malte, au Caire, enfin, où il meurt — toujours selon Nadar — des suites d'un accident de cheval.

— Elvire PEREGO

Bibliographie

S. Aubenas dir., Gustave Le Gray 1820-1884, B.N.F.-Gallimard, Paris, 2002.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France

Classification

Pour citer cet article

Elvire PEREGO. LE GRAY GUSTAVE (1820-1884) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Le Brick, G. Le Gray - crédits : Gustave Le Gray/ Hulton Archive/ Getty Images

Le Brick, G. Le Gray

Autres références

  • GUSTAVE LE GRAY, PHOTOGRAPHE (exposition)

    • Écrit par Michel POIVERT
    • 911 mots

    Figure emblématique du succès remporté par la photographie ancienne à la fin du xxe siècle, Gustave Le Gray (1820-1884) est un phénomène culturel. Réalisée dans le contexte de l'érudition américaine des années 1980, la première rétrospective de l'œuvre de ce « primitif » de la photographie (Art...

  • CALOTYPE

    • Écrit par Marc-Emmanuel MÉLON
    • 1 018 mots
    • 3 médias

    Le calotype (du grec kalos, beau) est le nom forgé par W. H. F. Talbot pour désigner le procédé de photographie sur papier qu'il achève de mettre au point en 1840. Talbot en découvre le principe fondamental — le système négatif-positif toujours actuel — en 1835, bien avant que Daguerre ne fasse...

  • COQUILLE DE NAUTILE (E. Weston)

    • Écrit par Hervé LE GOFF
    • 215 mots

    La vente, au prix de 190 000 dollars, d'une épreuve d'Edward Weston (1886-1958), la Coquille de Nautile, datant de 1927, marque l'entrée, en 1990, de la photographie dans le marché de l'art. Réalisée par un marchand de San Francisco, la transaction de près d'un million de francs va donner...

  • NADAR GASPARD-FÉLIX TOURNACHON dit (1820-1910)

    • Écrit par Paul-Louis ROUBERT
    • 1 547 mots
    • 2 médias
    ...s'installe au 113, rue Saint-Lazare avec sa mère. En 1854, il envoie son frère Adrien, peintre raté, prendre des leçons de photographie dans l'atelier de Gustave Le Gray. Depuis quelques années, cet ancien élève de l'École des beaux-arts dispense des cours de photographie à la haute société parisienne désireuse...
  • PHOTOGRAPHIE (art) - Photographie et peinture

    • Écrit par Jean-Luc DAVAL
    • 5 282 mots
    • 13 médias
    ...encore incapable : Nègre arrange ses poses pour donner l'illusion de l'instantané ou redessine les négatifs pour renforcer les contrastes de valeurs. Le Gray superpose deux négatifs pour pouvoir charger le ciel de nuages et obtenir des effets de lumière qu'on trouve dans les marines de Courbet ou dans...

Voir aussi