GUILLAUME DE CHAMPEAUX (1070?-1121)
Le maître d'Abélard, célèbre par les critiques que celui-ci lui adresse à propos des universaux. Si forte est la personnalité d'Abélard et si profonde son influence sur tout le xiie siècle scolastique qu'on en oublie souvent l'importance de son maître, qu'il traite lui-même de haut. De la même génération que son agressif élève, Guillaume de Champeaux a étudié auprès de Manégold de Lautenbach, d'Anselme de Laon, de Roscelin à Compiègne. Vers 1100, il devient archidiacre de Paris et maître de l'école cathédrale de cette ville, qu'il quitte en 1108, sans doute à la suite de sa controverse avec Abélard. Avec quelques disciples, il se retire à l'ermitage de Saint-Victor, dont il fait rapidement un monastère de chanoines réguliers et où il reprend son enseignement. Son influence sur la spiritualité ultérieure de l'école de Saint-Victor fut remarquable, et il faut sans doute lui attribuer l'origine de son orientation mystique. En 1113, il devient évêque de Châlons-sur-Marne ; il combat alors violemment le mariage des clercs et, défenseur ardent de l'investiture ecclésiastique, il est envoyé par Calixte II comme légat à la conférence de Monzon en 1119. Ami fidèle de saint Bernard, il reçut l'habit monastique de Clairvaux, où il mourut peu après. Les œuvres de Guillaume qui nous sont parvenues sont toutes théologiques, ses œuvres logiques ne nous étant connues le plus souvent que par des citations de ses adversaires, en particulier Abélard.
À Paris, la doctrine dialectique de Guillaume semble avoir été essentiellement influencée par Boèce : comme celui-ci, et contre le nominalisme de son contemporain Roscelin, il tient que l'universel est une chose, une substance essentiellement identique dans tous les êtres, et que, par voie de conséquence, l'individuation, fondamentalement inessentielle, est tout entière due aux accidents de cette substance. Guillaume fait alors évidemment de celle-ci une « essence matérielle » ; il est de ceux qu'Abélard appelle les reales. L'universel étant ainsi posé comme une chose présente dans tous les individus, il s'ensuit que, si ceux-ci se trouvaient privés de leurs accidents, leurs différences abolies, ils seraient réduits à l'unique substance identique. C'est cette thèse qui est d'abord attaquée par Abélard lors de son deuxième séjour auprès de Guillaume : reprenant les textes d'Aristote, de Porphyre et de Boèce, Abélard démontre à son maître que, s'il paraît clair que l'homme est identique dans Platon et dans Socrate, il est impossible d'admettre que, dans l'animal dépourvu de raison, l'animal est le même que dans l'animal doué de raison, l'homme, puisque ce serait admettre que les contraires coexistent dans une même substance. Selon Guillaume, en effet, l'universel est tout entier dans chaque individu : à quoi Abélard répond que l'essence « homme » ne peut être à la fois dans Platon et dans Socrate simultanément. Enfin, Guillaume soutient que les universaux sont avant les choses (universalia ante rem) : il s'ensuit, argumente Abélard, que l'individu constitué par ses accidents ne saurait être sujet, puisque est seul sujet ce qui est antérieur à ses accidents.
Si Guillaume eut nettement le dessous en cette querelle, il faut néanmoins lire avec plus de défiance le récit que donne Abélard dans l'Historia calamitatum de la seconde défaite de Guillaume. Celui-ci, amendant ses affirmations, professe l'« indifférence » de l'universel : cette thèse, également avancée par Boèce, est que, tout en étant par essence distincts, les individus n'en sont pas moins semblables (non différents) « dans l'homme ». Abélard, une seconde fois, entre en lutte contre son maître : soutenir l'« indifférence », c'est dire qu'il existe une différence[...]
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Écrit par
- Olivier JUILLIARD : écrivain
Classification
Média
Autres références
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- Écrit par Jean CHATILLON
- 948 mots
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