Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GRIPPE ESPAGNOLE

Épidémie de grippe espagnole, 1918-1919 - crédits : Courtesy of the National Museum of Health and Medicine, Armed Forces Institute of Pathology, Washington, D.C

Épidémie de grippe espagnole, 1918-1919

Survenue en 1918-1919, la grippe dite espagnole a tué environ vingt millions de personnes, c'est-à-dire davantage que la Première Guerre mondiale. Elle est de ce fait restée dans la mémoire collective au même titre que les grandes pestes ou les épidémies de choléra. S'il s'agit très certainement d'une grippe au sens clinique du terme, l'agent infectieux qui en a été responsable n'a pas pu être identifié à l’époque. Ce virus était remarquable par sa virulence et sa contagiosité. La mortalité associée à l’infection était de 3 à 4 p. 100. De ce fait, il était essentiel pour le futur, et dans une optique vaccinale, en raison de la répétition régulière des infections grippales et de la variabilité des souches de virus au hasard de ses recombinaisons génétiques, de comprendre l'origine de ces deux propriétés que sont la virulence et la contagiosité. Plusieurs stratégies ont été utilisées pour récupérer sinon le virus de 1918, du moins des fragments de ce virus. Schématiquement, on recherche par la technique dite de PCR – « amplification en chaîne par polymérase » – à amplifier des fragments de génome viral soit dans des prélèvements conservés par les autorités médicales depuis 1918, soit dans des cadavres de malades décédés de la grippe et enterrés dans des zones gelées en permanence (Lapons et mineurs en Alaska et au Spitzberg). L'ensemble des manipulations s'effectue dans des laboratoires de haute sécurité. Un fragment de génome du virus responsable de la grippe espagnole a été identifié en 1997 chez un soldat américain décédé en 1918. D'autres fragments suivent, qui ont permis de reconstituer le génome de ce variant et donc de le comparer aux souches actuelles de virus. Il s’agit bien d’un virus grippal. Un article d’avril 2014 montre que le virus de l’épidémie de 1918 est issu d’une recombinaison entre le virus humain saisonnier de l’époque H1N8 et un virus aviaire de type N1, ce qui a produit un virus de type H1N1, assez semblable à celui qui a provoqué un vent de panique en 2009. La violence de l’épidémie de 1918 et l’atteinte surtout de sujets jeunes sont sans doute dues au fait que le virus de type H1 faisait tout juste son apparition alors que les épidémies précédentes de grippe étaient dues à des virus de type H3N8. Il est possible que les populations qui n’avaient jamais été mises en contact avec un virus de type N1 n’aient pas développé de protection immunologique, fût-elle partielle. De plus, une mutation survenue ensuite dans le génome du virus recombinant H1N1 a rendu celui-ci plusieurs milliers de fois plus virulent que le virus H1N1 qui a circulé à partir de 2005. Enfin, la désorganisation des services sanitaires qui a suivi la guerre aurait encore amplifié les conséquences de l’épidémie. La grippe espagnole a profondément marqué l’organisation des systèmes de santé et l’épidémiologie des maladies infectieuses.

— Gabriel GACHELIN

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

Classification

Pour citer cet article

Gabriel GACHELIN. GRIPPE ESPAGNOLE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Épidémie de grippe espagnole, 1918-1919 - crédits : Courtesy of the National Museum of Health and Medicine, Armed Forces Institute of Pathology, Washington, D.C

Épidémie de grippe espagnole, 1918-1919

Autres références

  • ÉPIDÉMIES ET PANDÉMIES

    • Écrit par Jacqueline BROSSOLLET, Georges DUBY, Universalis, Gabriel GACHELIN, Jean-Louis MIÈGE
    • 20 843 mots
    • 15 médias
    Le relais du choléra est pris par lagrippe asiatique, qui apparaît en 1889, puis en 1918 (grippe espagnole), et à nouveau en 1957 et dans les années qui suivront, par épisodes à peu près quinquennaux majorant les statistiques de mortalité grippale « normale » (personnes fragiles ou non vaccinées)....
  • GRIPPE

    • Écrit par Jean-François SALUZZO
    • 1 917 mots
    • 2 médias
    Cependant, la grippe pandémique peut revêtir un caractère dramatique comme en 1918 (grippe espagnole). La récente apparition de cas de grippe due au virus H5N1 d'une extrême sévérité amène à établir un parallèle avec la grippe espagnole de 1918 et suscite d'intenses recherches sur ce virus. Les chercheurs...
  • GUERRE MONDIALE (PREMIÈRE) - La santé aux armées

    • Écrit par Anne RASMUSSEN
    • 4 542 mots
    • 1 média
    Faut-il faire de l’immense pandémie de grippe espagnole de 1918 une pathologie en lien avec la guerre ? La question nourrit les débats épidémiologiques. Quelle qu’en soit la réponse, l’épidémie a été mondiale, et s’est déployée avec tout autant d’extension et de virulence dans les pays épargnés par...
  • NOUVELLE-ZÉLANDE

    • Écrit par Daniel de COPPET, Jean-Pierre DURIX, Universalis, Alain HUETZ DE LEMPS, Isabelle MERLE
    • 12 802 mots
    • 11 médias
    Pour un pays aussi faiblement peuplé, les pertes de la Première Guerre mondiale, puis celles de l'épidémie de grippe espagnole en 1918 (qui touche en particulier les Maoris) provoquent un traumatisme profond. La santé publique et la protection de la famille deviennent alors des enjeux majeurs...

Voir aussi