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GRANDE PEUR (1789)

La peur a joué un rôle important dans le déroulement de la Révolution française : peur du complot aristocratique à la veille du 14 juillet 1789, peur des partageux et des anarchistes au moment de Brumaire 1799, mais le terme de Grande Peur a été réservé aux insurrections paysannes de 1789. Dans les campagnes où sévit la disette, conséquence des mauvaises récoltes, se propagent alors d'étranges rumeurs : des bandes de vagabonds sont transformées par l'imagination populaire en armées de brigands ; les nouvelles les plus inquiétantes viennent de Paris où l'on parle d'une « Saint-Barthélemy des patriotes ». L'alarme se répand de village en village, le tocsin sonne, les paysans s'arment, des milices villageoises sont formées. Faute de brigands, les campagnards se retournent contre les châteaux, les pillent et brûlent les vieilles chartes où se trouvaient consignés les droits féodaux. On attaque les greniers à sel, on maltraite les garde-chasse et les feudistes. Georges Lefebvre, qui a étudié le phénomène (La Grande Peur, 1932), distingue six foyers principaux : Franche-Comté (à la suite de la révolte des paysans comtois), Champagne, Beauvaisis, Maine, région de Nantes et Sud-Ouest. C'est à partir de ces foyers que le mouvement de panique se propage, entre le 20 juillet et le 6 août, dans la plus grande partie de la France. Il y a toutefois des exceptions, souligne Lefebvre : « La Lorraine n'a guère été qu'effleurée ; la majeure partie de la Normandie ne l'a pas ressentie et c'est à peine si on en trouve des traces en Bretagne. Le Médoc, les Landes et le Pays basque, le Bas-Languedoc et le Roussillon demeurent à peu près indemnes ; dans les régions où sévissait la révolte agraire, point de grande peur, tout au plus des alarmes locales. » Échappent aussi à la Grande Peur la Flandre, le Hainaut, le Cambrésis et l'Ardenne. Mouvement collectif spontané selon Lefebvre ou complot attribué aux menées des partisans du duc d'Orléans selon Fay, cette révolte agraire, séquelle indiscutable de la réaction féodale qui avait marqué le règne de Louis XVI, en provoquant à l'Assemblée nationale la célèbre séance de la nuit 4 août 1789, a entraîné la ruine de l'Ancien Régime.

— Jean TULARD

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean TULARD. GRANDE PEUR (1789) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FÉDÉRATION DE 1790

    • Écrit par Jean TULARD
    • 346 mots

    La Fédération de 1790 est la conséquence de la formation en France des municipalités et des gardes nationales au moment de la Grande Peur. Dans les villages et les villes se forment en juillet 1789 des gouvernements particuliers qui se substituent aux anciennes autorités. Dans le Dauphiné...

  • QUATRE AOÛT 1789 NUIT DU

    • Écrit par Jean TULARD
    • 433 mots
    • 1 média

    Dans la nuit du 4 août 1789 disparaît l'ancienne France fondée sur le privilège et les vieilles structures de la féodalité. La séance du 4 août 1789 de l'Assemblée nationale est la conséquence de la Grande Peur, qui jette les paysans contre les châteaux. Le soulèvement des campagnes...

  • RÉVOLUTION FRANÇAISE

    • Écrit par Jean-Clément MARTIN, Marc THIVOLET
    • 29 554 mots
    • 3 médias
    ...d'un nouveau personnel politique disqualifie les hommes en place. Les campagnes, travaillées par des rumeurs multiples et confuses, sont agitées par une « Grande Peur » contre des ennemis imaginaires (brigands, galériens, Anglais...), mais dont les conséquences sont tangibles : des châteaux sont investis...

Voir aussi