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SEGARELLI GHERARDO (mort en 1300)

Fondateur du mouvement apostolique, Segarelli illustre le mélange de crainte et d'espérance né des prophéties de Joachim de Flore et du choix par celui-ci de la date de 1260 comme devant marquer l'avènement du règne des Saints et du troisième âge. Le succès du franciscanisme, allié à une période de troubles et de misère, allait dégager de l'aspiration à un changement radical une attitude paradoxale : la proclamation d'un ascétisme s'accompagnant d'un hédonisme opposé à l'anti-physis de l'Église. Tout en condamnant les activités lucratives de la hiérarchie ecclésiastique, la dévotion salvatrice s'accordait, dans la mentalité populaire, aux libertés d'une vie errante et sans loi.

En 1260, tandis qu'à Pérouse se forme le mouvement des flagellants, Gherardo Segarelli, un petit commerçant de Parme, vend ses biens, distribue l'argent aux pauvres et accomplit le noviciat d'une identification au Christ en se faisant circoncire, emmailloter et bercer par une femme. Il parcourt les rues en clamant : « Penitenz agite[penitentiam agite] », en manteau blanc et en sandales. Le chroniqueur Salimbene, qui lui est hostile et s'attache à le ridiculiser, dit qu'il eut comme premier disciple un homme d'une moralité douteuse, Robert, dit fra Glutto. La secte compte bientôt plus de trois cents membres — une majorité de gens du peuple et quelques nobles — qui, vivant d'aumônes, concurrencent les ordres mendiants. Elle possède une maison où Segarelli est vénéré à l'égal du Christ. L'Église intervient une première fois en 1274. Le concile de Lyon interdit à Segarelli d'enrôler de nouveaux membres. Cela n'empêche pas les progrès de la secte, secrètement protégée par Opizo, évêque de Parme et neveu du pape Innocent IV. Un groupe de sœurs apostoliques est fondé et les missionnaires envoyés sur les routes d'Europe. Ils se répandent en Allemagne, où le concile de Würzburg les condamnera en 1287, en les assimilant aux bégards. On en trouvera à Compostelle, en Catalogne, d'où ils seront expulsés en 1305, à Toulouse, où Pedro de Lugo abjure en 1322.

Tandis que Segarelli refuse d'exercer quelque autorité que ce soit sur le groupe, estimant qu'il appartient à chacun d'assumer ses responsabilités, Guidone Putagi, frère du podestat de Bologne, qui a adhéré au groupe avec sa sœur Trifia, prend la direction de l'ordre et emmène l'hérésiarque sous sa protection à Faënza. Une tendance apparaît, menée par Matteo d'Ancône, qui lui reproche sa vie dissolue, en contradiction avec les principes de la communauté. La scission tourne à l'affrontement. La bataille consacre la déroute de Matteo et de ses partisans ; mais, peu après, Guidone abandonne les apostoliques et rejoint les Templiers.

En 1286, trois apostoliques sont pendus à Bologne pour vol et paillardise. C'est peut-être le prétexte souhaité par Honorius IV pour condamner la secte. Il somme les ségarellistes d'abandonner leur costume distinctif et de rallier un ordre reconnu. Il interdit d'accueillir les apostoliques et de leur faire l'aumône. Contraint d'obéir, Opizo feint d'emprisonner Segarelli et le garde en fait dans son palais avec, selon Salimbene, un emploi de bouffon. Devant le succès croissant des apostoliques, Nicolas IV réitère en 1291 la condamnation. En 1294, deux hommes et deux femmes de la secte sont brûlés à Parme ; puis Étienne, un des missionnaires les plus actifs, subit le même sort. L'évêque se contenterait, pour Segarelli, de la prison à vie, mais les intrigues de Manfredo, inquisiteur de Parme, lui arrachent la condamnation du prophète, qui est brûlé comme relaps à Parme en 1300. Malgré la persécution qui s'accentue, le nombre des apostoliques s'accroît avec le ralliement des franciscains[...]

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Pour citer cet article

Raoul VANEIGEM. SEGARELLI GHERARDO (mort en 1300) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • APOSTOLIQUES SECTE DES (XIIIe s.)

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 1 115 mots

    Épiphane signale sous le nom d'apostoliques ou apotactiques une secte manichéenne du ive et du ve siècle qui professe le refus du mariage, la continence et le détachement des biens matériels. Le terme « apostolique » reparaîtra au xiie siècle pour désigner les premiers cathares...

Voir aussi