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DORZIAT GABRIELLE (1880-1979)

Silhouette familière du cinéma français, personnage éminemment victorien, Gabrielle Dorziat, née Marie Odile Léonie Gabrielle Sigrist, aura prouvé que l'on peut faire une grande carrière, et atteindre à la popularité, sans avoir accès – au cinéma du moins – aux premiers rôles.

Élève du Conservatoire, elle assure les créations, dans les années 1920, de tous les « grands » dramaturges de l'époque : Henry Bataille, Henry Bernstein, Édouard Bourdet (Le Sexe faible), jusqu'à l'Électre de Jean Giraudoux. Grande bourgeoise chez Bernstein, générale chez Jean Anouilh, sa diction fait merveille, mais la comédienne sait surtout subvertir par son abattage la fameuse notion de « grande dame » ou de « monstre sacré » de théâtre. Elle ignore le cinéma pratiquement jusqu'en 1936, lorsqu'elle tourne Mayerling aux côtés de Danielle Darrieux et Charles Boyer. Les rôles vont se succéder ensuite, au rythme de trois ou quatre par an. Femmes refoulées, autoritaires, déjà douairières, des rôles où, féministe dans son genre, Gabrielle Dorziat assume son indépendance face à des époux timorés – Samson de Maurice Tourneur (1936), Mollenard de Robert Siodmak (1938), ou L'Homme qui cherche la vérité (1940), où elle est opposée à Raimu...

Au cours des années 1940, certains metteurs en scène plus inspirés vont lui permettre d'étoffer son personnage faussement bourru et de laisser poindre une forme de tendresse a priori insoupçonnable : ce sont les rencontres avec Jacques Becker dans Falbalas (1945) et surtout, en 1949, avec Jean Cocteau dans Les Parents terribles où elle incarne une inoubliable tante Léo. Ce rôle est une synthèse de tout ce qu'elle a pu représenter à l'écran : la femme respectueuse de l'ordre établi, autoritaire mais se sacrifiant pour son entourage, pour que rien ne trouble la surface des choses... Elle interprétera avec la même fêlure douloureuse ce personnage au théâtre. En contrepoint, elle contourne avec ironie et humour le superbe personnage de mère maquerelle que Clouzot lui écrit dans Manon (1949). Un rôle intéressant encore en 1952, dans La Vérité sur Bébé Donge de Henri Decoin, au côté de Danielle Darrieux et Jean Gabin, où son œil narquois juge des bourgeois impliqués dans un crime passionnel. En 1962, elle interprète le rôle d'une Anglaise de haute tenue dans Un singe en hiver refusant de répondre autrement que dans la langue de Shakespeare ! Parmi ses derniers rôles à l'écran, citons Monsieur, en 1964, avec Jean Gabin de nouveau pour partenaire, et Thomas l'imposteur, de Georges Franju, en 1965. Elle aura auparavant – en 1958 – fait une incursion à la Comédie-Française pour jouer des classiques... à près de quatre-vingts ans.

D'une certaine réserve et d'une grande affabilité dans la vie, elle aura incarné le paradoxe du comédien façon « âge d'or » du cinéma français. Elle a su parfaitement jouer de son physique et incarner des « créatures de démesure » qui ne tomberont pas dans l'oubli.

— André-Charles COHEN

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André-Charles COHEN. DORZIAT GABRIELLE (1880-1979) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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