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KUPKA FRANTIŠEK (1871-1957)

Ultimes Abstractions

En 1926, Kupka récapitule les grands thèmes de son œuvre dans un remarquable recueil de bois gravés, Quatre Histoires de blanc et noir, dont la structure est celle du Livre au sens mallarméen du terme, c'est-à-dire « architectural et prémédité », « explication orphique de la terre ». L'évolution du peintre suit alors deux directions ; la première est celle qui le voit aborder, à travers des formes plus anecdotiques, rappelant l'esthétique machiniste des puristes, la thématique du monde industriel et de la vitesse mécanique (Synthèse, 1927-1929, Národní Galerie, Prague). La seconde, plus porteuse d'avenir, est celle par laquelle il entame une simplification radicale de ses compositions.

C'est l'époque où Van Doesburg lui rend hommage comme inventeur de l'abstraction géométrique, en reproduisant Plans verticaux III (1913) dans De Stijl, tandis que Del Marle, disciple français de Mondrian, l'entraîne dans les activités du groupe et de la revue Vouloir. Kupka est ensuite intégré au comité directeur du groupe Abstraction-Création, qui édite de 1932 à 1936 un cahier annuel où l'artiste livre certaines clés de sa nouvelle évolution : « L'épuration du concept initial entraîne celle de l'œuvre sur le chantier. La lisibilité en devient alors plus aisée au prix d'abstraction de tout ce qui est étranger à une unité organique. Et l'abstraction, on peut la pousser jusqu'à ne garder que les seules quotités élémentaires. » Kupka peint à cette époque une œuvre aussi radicale dans son dépouillement que Peinture abstraite (1930-1932, Národní Galerie, Prague), où trois lignes noires orthogonales s'interrompent avant de se croiser dans la blancheur dénudée du fond. Il donne aussi un important ensemble de gouaches en blanc et noir, les Abstractions (1930-1933), où l'artiste joue de la réversibilité du positif et du négatif pour engendrer de stimulants effets d'ambiguïté perceptive et de lecture inductive, qui annoncent certaines caractéristiques de l'abstraction optique et cinétique d'après guerre. Dans la continuité de l'intérêt de Kupka pour l'optique psychologique, l'abstraction géométrique sert ici l'analyse des conditions de la vision.

Après la guerre, au cours de laquelle, réfugié à Beaugency dans le Loiret, il a dû considérablement ralentir son activité, le salon des Réalités nouvelles lui ouvre ses portes annuellement et lui rend hommage à deux reprises, en 1953 avec une présentation de vingt-deux œuvres, dont le monumental Autour d'un point (1920-1925 et 1930), et – à titre posthume – en 1957. « Ce que nous cultivons ici, avait auparavant déclaré Kupka, dans ce qui sonnait comme un bilan, a eu pour origine une incursion du rationalisme dans les conventions [de l'art] d'où toute logique était bannie. »

Reçu par donations successives à partir de 1958, le fonds Kupka du Musée national d'art moderne est le plus important avec celui de la Národní Galerie de Prague. Il a fait l'objet d'une exposition itinérante en 2003-2004, qui s'inscrit dans un mouvement de redécouverte initié en 1975 et en 1989 par les rétrospectives du Solomon R. Guggenheim Museum à New York et du musée d'Art moderne de la Ville de Paris.

— Arnauld PIERRE

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France

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Pour citer cet article

Arnauld PIERRE. KUPKA FRANTIŠEK (1871-1957) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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