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HENRI FLORENCE (1893-1982)

L'espace photographique est pure illusion. Plus encore que celui du miroir si souvent convoqué par Florence Henri au rendez-vous de ses natures mortes, de ses autoportraits ou de ses créations publicitaires, il fuit, invente sur l'à-plat de la feuille photosensible une vertigineuse perspective de mondes qui ne sont réalistes que dans une vie d'images. S'il fallait garder un souvenir photographique de cette femme qui connut les plus importants mouvements artistiques du siècle et se consacra, calmement, aux mystères de la chambre noire, ce serait l'espace, et lui seul, qu'il faudrait mettre en cause.

Née à New York en 1893, d'une mère allemande et d'un père français, Florence Henri connaît l'enfance doublement errante des familles internationales et des orphelins. Son père, qui meurt en 1908, était en effet directeur d'une compagnie pétrolière et sa mère, fort cultivée, avait disparu dès 1895. L'enfant vit tour à tour à Paris, Londres, Berlin et Rome, capitales artistiques que Florence Henri fréquentera sa vie durant. Premières années consacrées à l'apprentissage de la musique, en particulier du piano, dont elle donne quelques récitals, à Londres, en 1911. Elle connaît Varese et étudie avec Busoni, puis, dès 1914, commence à peindre. Schwitters, Arp, Richter, Heartfield, Lissitzki, Archipenko ou Maïakovski sont les premiers d'une liste ininterrompue d'amitiés artistiques qui dureront plus d'un demi-siècle. En 1924, avec Léger et Ozenfant, à l'Académie moderne, Florence Henri poursuit ses études picturales et se lie à Paul Dermée. Elle participe, en 1925, à l'exposition L'Art d'aujourd'hui, qui semble réconcilier cubisme, purisme, constructivisme et surréalisme.

Après une exposition personnelle à la galerie d'Art contemporain, elle quitte Paris et les Delaunay, auxquels elle restera liée par une amitié fidèle. Elle s'inscrit dès 1927 au Bauhaus de Dessau où elle suit les cours de Paul Klee et de Moholy Nagy. Elle s'intéresse alors au ballet, elle rencontre Gropius et les principaux acteurs de la révolution esthétique, ainsi que les photographes hostiles au pictorialisme qui gravitent autour du Bauhaus ; c'est une Florence Henri convaincue de l'importance de la photographie qui s'installe (presque) définitivement à Paris en 1928. Elle y travaille avec Albert Gleizes et commence à publier des photographies dans les principales revues européennes de l'époque. Lázló Moholy Nagy écrit les premiers articles sur ses images. À partir de ce moment-là, Florence Henri voit son succès, rapidement établi, dépasser les frontières des cercles artistiques ou photographiques traditionnels. Elle expose partout dans le monde, publie partout, se lie avec d'autres femmes photographes dont Ilse Bing. L'une de ses assistantes, Gisèle Freund, lui doit beaucoup. C'est en effet avec Florence Henri que Gisèle Freund a appris l'art du portrait qui l'a fait reconnaître dans le monde entier comme la chroniqueuse de l'aventure littéraire et artistique de ce siècle. Florence Henri a en effet diversifié sa production et elle est connue pour ses portraits d'artistes comme pour ses natures mortes et ses autoportraits ; elle expose alors régulièrement avec Germaine Krull, André Kertèsz et Man Ray. Elle réalise dans une esthétique qui décline, en moins dogmatique, les principes formels du Bauhaus, des images qui tranchent sur le romantisme ou le réalisme des autres photographes. Des jeux de miroirs placés astucieusement, brisant les lignes et leurs propres perspectives, organisent d'étonnantes déformations optiques. Ses publicités pour le parfum Lanvin, qui, de reflet en reflet, placent à l'infini un collier de flacons, ses images pour les pâtes La Lune, constructivistes à souhait et nuancées d'humour, ses autoportraits[...]

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Pour citer cet article

Christian CAUJOLLE. HENRI FLORENCE (1893-1982) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • KRÜGER LORE (1914-2009)

    • Écrit par Nicolas FEUILLIE
    • 980 mots
    ...commence à pratiquer la photographie. Un an plus tard, elle rejoint ses parents sur l’île de Majorque, puis prend des cours à Barcelone auprès d’Adolf Zerkowitz, un éditeur de cartes postales. Sur le conseil d’un ami suisse, elle se rend à l’automne 1935 à Paris pour étudier auprès de Florence Henri.

Voir aussi