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FREUND GISÈLE (1908-2000)

Femme reporter, une photographe toujours préoccupée des relations de son expression et de son environnement social, Gisèle Freund est l'un des rares praticiens de l'image fixe qui ait aussi écrit sur le sens de la photographie (Le Monde et ma caméra, 1970 ; Photographie et société, 1975). Part intime de son travail, terrain de découverte et d'approche d'un milieu intellectuel qui la fascinait, ses portraits sont devenus célèbres malgré elle.

Née en 1908 à Berlin-Schöneberg, Gisèle Freund, après des études secondaires sans histoire se voue à la sociologie et à l'histoire de l'art. En 1933, parce qu'elle refusait le régime hitlérien, elle quitte Berlin comme tant d'autres intellectuels d'outre-Rhin et se fixe à Paris. Elle y rencontre bon nombre d'immigrés, artistes et intellectuels, qui continuent leurs travaux en suivant douloureusement les bouleversements de leur pays d'origine. Elle poursuit ses études à la Sorbonne où elle présente, en 1936, une thèse consacrée à l'histoire de la photographie en France au xixe siècle, la première du genre dans le cadre de l'Université. La même année, elle acquiert la nationalité française puis devient photographe et travaille pour le magazine Life, récemment fondé aux États-Unis et qui devient l'une des publications les plus prestigieuses du monde dans le domaine de l'actualité et du reportage photographique.

1940 : Paris est occupé par les troupes nazies. Gisèle Freund fuit la capitale et se réfugie dans le Lot. Invitée par Victoria Ocampo, directrice de la revue Sur, elle quitte le midi de la France en 1942 et rejoint l'Argentine. Alors commence une longue aventure, affective, journalistique et photographique avec le continent sud-américain. Tout en poursuivant son travail de journaliste et de photographe, Gisèle Freund travaille pour le ministère de l'Information du gouvernement de la France libre. En 1946, elle rentre à Paris avec une exposition d'art sud-américain sous l'égide des Relations culturelles, puis fait un nouveau voyage en Amérique du Sud pour le compte du musée de l'Homme. De Patagonie et de la Terre de Feu, elle rapporte un film en couleurs ainsi que des photographies. L'année suivante, elle rejoint l'agence Magnum que viennent de fonder Henri Cartier-Bresson, David Seymour, Robert Capa et George Rodgers. Reporter-photographe à temps plein, elle parcourt les États-Unis, le Canada, l'Amérique centrale, l'Équateur, le Pérou, la Bolivie, le Brésil, retourne en Argentine et se rend au Mexique où elle séjourne deux ans. Phénomène rare dans une profession de globe-trotters qui fait généralement appel à des hommes, cette femme photographe devient célèbre. Connue pour des reportages sur le chômage en Angleterre que Life diffusa dans le monde entier dès 1936, reconnaissable à la rigueur d'un travail sans cesse soucieux d'articuler la cohérence des cadrages et l'analyse sociale, liée à l'intelligentsia internationale, elle donne, dans les pays qu'elle traverse, de nombreuses conférences sur la littérature française contemporaine, accompagnées des portraits en couleurs des écrivains qu'elle a su approcher et comprendre. C'est elle aussi qui, après avoir connu Huxley, Valéry, Tagore, Stravinski et tant d'autres dans le salon littéraire de Victoria Ocampo à Buenos Aires, fera parvenir en France, avec Roger Caillois, les premiers numéros de Sur.

Avant son départ d'Argentine, elle réalise le « scoop » le plus éclatant de sa carrière journalistique, en photographiant Evita Perón dans son intimité. Elle nous montre alors l'ancienne speakerine de la radio devenue première dame du pays, « fée politique » investie d'exorbitants pouvoirs et parlant un langage simple à un peuple qui la vénère. Mais elle la montre aussi devant sa coiffeuse, luxueusement[...]

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Pour citer cet article

Christian CAUJOLLE. FREUND GISÈLE (1908-2000) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HENRI FLORENCE (1893-1982)

    • Écrit par Christian CAUJOLLE
    • 895 mots

    L'espace photographique est pure illusion. Plus encore que celui du miroir si souvent convoqué par Florence Henri au rendez-vous de ses natures mortes, de ses autoportraits ou de ses créations publicitaires, il fuit, invente sur l'à-plat de la feuille photosensible une vertigineuse perspective de mondes...

Voir aussi