COPPI FAUSTO (1919-1960)

La rivalité Coppi-Bartali

La rivalité entre Fausto Coppi et Gino Bartali est avant tout sportive. Elle naît donc en 1940, quand Coppi, engagé comme gregario de Bartali, remporte le Giro. Elle s'exacerbe après la guerre. Au rang des épisodes fameux de ce duel, on peut citer le Giro 1946, que Bartali remporte avec 47 secondes d'avance sur Coppi, ou l'édition suivante, gagnée par Coppi avec 1 min 43 s d'avance sur Bartali. Évoquons également le Championnat du monde 1948 : englués dans leur rivalité, les deux Italiens préféreront sacrifier leurs chances plutôt que de risquer de favoriser le succès de l'un d'entre eux... ce qui leur vaudra d'être suspendus par l'Union vélocipédique italienne ! En 1949, alors que cette rivalité se trouve à son paroxysme, les deux champions vont malgré tout unir leurs intérêts lors du Tour de France. Fausto Coppi participe pour la première fois à l'épreuve. Bartali est le vainqueur sortant, mais il vient de s'incliner nettement lors du Giro, battu par Coppi. Alfredo Binda doit déployer des trésors de diplomatie pour faire cohabiter au sein de la Squadra Azzurra les deux hommes, qui se sont même engagés par écrit à respecter leurs devoirs respectifs. Les deux champions italiens vont respecter ce pacte et dominer l'épreuve. C'est dans les Alpes qu'ils font la décision. Entre Cannes et Briançon, ils distancent largement leurs concurrents ; Coppi aurait sans doute pu décrocher Bartali, mais, ce 18 juillet, ce dernier fête ses trente-cinq ans, et demande à son cadet, qui s'exécute de bonne grâce, de lui laisser la victoire. Le lendemain, ils rééditent leur numéro. Cette fois, Coppi, avec l'autorisation de Binda, s'envole vers la victoire et conquiert le maillot jaune. Fausto Coppi remporte le Tour de France devant Gino Bartali, à 10 min 55 s. Coppi a définitivement pris le pas sur Bartali.

Cependant, cette rivalité dépasse le cadre sportif. En effet, l'Italie de l'après-guerre se caractérise par le divismo (« dualité ») : on se partage en deux camps sur les questions sociales et politiques, mais aussi dans des domaines plus futiles, tels que les arts, le cinéma ou le sport. Cette dualité s'appuie sur l'opposition historique entre Nord et Sud. Le Nord est industriel, le Sud, encore profondément agricole. Le Nord va s'engager de plain-pied dans la reconstruction, tandis que le Sud ne parviendra pas à combler son retard. Dans le Nord, on aspire à une libération des mœurs, dans le Sud, on respecte pleinement le dogme de l'Église. Coppi est piémontais, il sera donc le représentant « du Nord » ; Bartali est toscan et profondément croyant, il sera donc le porte-étendard des valeurs « du Sud ». Le Nord s'identifiera à Coppi, le Sud à Bartali. La vie politique italienne se conjugue également sur le thème du divismo. Après la chute du fascisme, elle est bipolaire, opposant fortement la Démocratie chrétienne et le Parti communiste. Ni Bartali ni Coppi ne s'engageront en politique. Pourtant, la Démocratie chrétienne jouera de l'image du pieux Bartali, alors que les communistes seront supporters de Coppi, bien que ce dernier, catholique et baptisé, n'adhère nullement à leurs idées.