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EXPRESSION, musique

À la différence des arts plastiques, où l'œuvre est donnée une fois pour toutes, l'œuvre musicale, même écrite, se situe sur un plan temporel : n'existant que si elle est jouée, à l'instar des arts du spectacle, elle nécessite le plus souvent la réunion de plusieurs personnes –  les interprètes – pour acquérir une existence fugitive.

Pour conférer à la musique toute son expression et respecter au mieux les desseins du compositeur, les interprètes doivent respecter les indications de mouvement, de phrasé et de nuance figurant sur la partition ou, en l'absence de celles-ci, donner l'exécution qui aurait paru idéale à celui qui l'a écrite.

L'interprétation n'est pas une banale exécution : elle doit être une réinvention de ce qu'a voulu exprimer le compositeur. Même si la partition est riche en indications et détails, le champ reste en effet vaste pour que l'interprète puisse donner libre cours à ses facultés créatrices. Celui-ci doit donc arriver à un équilibre entre la pensée de l'auteur et la liberté d'expression de son art.

Le mouvement désigne l'allure à laquelle une mélodie doit être interprétée. Il est indiqué par un terme placé au-dessus de la portée et auquel correspond un rythme de battement de métronome, par exemple : lento (lent), adagio (moins lent), andante (modéré), allegro (vif), vivace (très vif). Ces différents mouvements admettent des accélérations ou des ralentissements, indiqués par des termes comme rallentando (en ralentissant), ritardando (en retardant) ou rubato (relâché). Ils peuvent être précédés de préfixes : più (plus), molto (très), un poco (un peu), ma non troppo (mais pas trop)...

Ces indications de mouvement, quelque peu abstraites, sont très souvent complétées par des indications de caractère : par exemple, con anima (avec âme) ou con spirito (avec esprit). Ces indications de caractère, quasi inexistantes jusqu'au xviiie siècle, vont proliférer à partir du xixe ; souvent descriptives et poétiques, elles n'ont d'autre but que de solliciter, par des suggestions ou des images appropriées, l'imagination et la sensibilité de l'interprète, afin de le conduire vers une façon de jouer proche de ce qu'a souhaité l'auteur. On comprend mieux, dans cette optique, le caractère étonnant d'indications telles que « comme une buée irisée » que propose Debussy pour Cloches à travers les feuilles (Images, pour piano, Livre II, 1908) ou « avec une douceur de plus en plus caressante et empoisonnée » de la Neuvième Sonate pour piano de Scriabine (1913). S'il est peu probable qu'un auditeur, même très sensible, devine à travers ce qu'il entend les intentions du compositeur, ces images poétiques modifient subtilement la façon de jouer de l'interprète et tel est, en fin de compte, le rôle des indications de caractère.

Les nuances désignent les différences d'intensité qui donnent vie à l'œuvre : il s'agit, en d'autres termes, des indications de dynamique. Aucune indication de nuance n'apparaît sur les textes musicaux avant 1500, et il faut attendre le début du xviie siècle pour voir notés les forte (f) et les piano (p), par Adriano Banchieri (1568-1634). Ces indications de nuance sont très rares chez Jean-Sébastien Bach ; en revanche, Jean-Philippe Rameau leur accorde déjà une grande importance. Joseph Haydn et Wolfgang Amadeus Mozart en seront avares et se contenteront en général de forte et de piano ; notons cependant la présence assez fréquente dans les pièces pour clavier de Mozart des forte piano, qui font se succéder soudainement les deux nuances. À la fin du xviiie siècle, les progrès de la facture instrumentale et de l'orchestration vont rendre nécessaire une diversification plus subtile des intensités : c'est ainsi qu'apparaîtront[...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

Classification

Pour citer cet article

Juliette GARRIGUES. EXPRESSION, musique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BEL CANTO

    • Écrit par Jean CABOURG
    • 2 752 mots
    • 5 médias
    ...l'opéra baroque constitue alors une fin en soi. De l'ancienne éthique poétique et musicale on conserve au contraire deux principes fondateurs essentiels : l'expressivité, fondée sur l'imitation des sentiments traduite en affetti, et la sprezzatura, ou liberté du phrasé, au service de cette expressivité....

Voir aussi