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GONZALÈS ÉVA (1847-1883)

Artiste peintre, Éva Gonzalès est née le 19 avril 1847 à Paris. Elle est la fille d’Emmanuel Gonzalès, écrivain à succès et président de la Société des gens de lettres, et de Marie Caelina Ragut, chanteuse, pianiste et harpiste accomplie. Elle et sa sœur Jeanne, qui sera également peintre, grandissent dans un milieu cultivé et reçoivent une solide éducation artistique. L’interdiction faite aux femmes de fréquenter l’École nationale supérieure des beaux-arts contraint celles qui souhaitent devenir artistes à se tourner vers l’enseignement privé. Éva Gonzalès choisit en 1866 l’atelier pour femmes fondé par Charles Chaplin, peintre de portraits mondains d’une féminité aussi éthérée qu’idéalisée ‒ il est également le professeur de Mary Cassatt et Louise Abbéma. Dans cet atelier, elle a accès à l’étude du nu féminin alors que, d’ordinaire, on écarte les étudiantes des cours de modèle vivant. Gonzalès complète cette formation auprès d’Édouard Manet qu’elle rencontre au début de l’année 1869 par l’entremise de l’artiste belge Alfred Stevens. Elle devient alors son unique élève. Si l’influence de Manet est importante ‒ notamment dans le choix d’une palette contrastée, d’une facture libre peu soucieuse de détails et d’une iconographie ancrée dans le présent ‒, la jeune artiste creuse toutefois une voie intimiste qui lui appartient en propre, attachée à la représentation de l’existence des femmes de son milieu.

Après des débuts sages, Éva Gonzalès s’affranchit peu à peu de sa formation académique. Réfugiée en Normandie pendant la guerre franco-prussienne (1870-1871), elle pose son chevalet en plein air et étudie la puissance de la lumière. Cela se traduit par une dissolution des formes, grâce à une touche de plus en plus vive et allusive, et par un éclaircissement progressif de sa palette. De retour à Paris, elle s’intéresse, comme les impressionnistes, à des motifs tirés de la vie moderne, tels qu’Uneloge aux Italiens (vers 1874, Paris, musée d’Orsay), des thèmes bucoliques (En bateau, 1875-1876, coll. part.) ou balnéaires et marins (Plage de Dieppe depuis la falaise, 1871, musée de Dieppe). Elle peint également de nombreuses scènes domestiques, à l’exemple du Réveil(vers 1877-1878, Brême, Kunsthalle), en rompant avec l’érotisme souvent rattachés à ces sujets au profit d’une description sensible de l’intimité féminine. En hommage à Manet, elle imagine des réponses aux tableaux de son maître, où elle révèle son sens de la clarté et de l’épure. Ainsi, pour son premier salon en 1870, elle expose Enfant de troupe (Villeneuve-sur-Lot, Musée Gaston-Rapin) immédiatement acheté par l’État, qui fait écho au Fifre(1866, Paris, musée d’Orsay). Sa Jeune fille aux cerises (vers 1873-1874, Chicago, The Art Institute) dialogue avec le Jeune homme pelant unepoire(1868, Stockholm, Nationalmuseum). Miss et Bébé (vers 1877-1878, Washington, National Gallery of Art) entre en résonance avec Le Chemin de fer(1873, Washington, National Gallery of Art).

Ses modèles favoris sont sa sœur Jeanne et son mari, le graveur Henri Guérard, qu’elle fait souvent poser ensemble. Comme Manet, Gonzalès préfère exposer au Salon officiel, voie traditionnelle de reconnaissance des artistes au xixe siècle, plutôt que dans les expositions impressionnistes, en dépit des liens qui existent entre son style et celui des dissidents. Dès sa première participation au Salon, les critiques se montrent favorables. Ainsi, Zacharie Astruc, proche de Manet, loue son « art bien primesautier » (L’Écho des beaux-arts, 26 juin 1870). Jules-Antoine Castagnary, grand défenseur de Gustave Courbet, célèbre une artiste « très heureusement douée » (Le Siècle, 3 juin 1870), « la grâce même dans sa simplicité et son naturel » (Le Siècle, 26 mai 1874), tout en lui conseillant de se libérer[...]

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Écrit par

  • : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure

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Pour citer cet article

Camille VIÉVILLE. GONZALÈS ÉVA (1847-1883) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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