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KUṢĀṆA EMPIRE

Le domaine de l'art

Couronne en or, art de l'Afghanistan - crédits :  Bridgeman Images

Couronne en or, art de l'Afghanistan

On pourrait s'attendre que l'art d'un empire aussi divers, gouverné par une dynastie d'origine étrangère, soit essentiellement varié et cosmopolite. En fait, si la production artistique d'époque kuṣāṇa peut paraître hétérogène, on discerne des tendances générales qui montrent combien la communication des idées et les échanges artistiques ont été vifs sous les Kuṣāṇa. Les chefs des Yuezhi avaient les mêmes goûts que les autres nomades de la steppe euro-asiatique, comme la fouille de leurs tombeaux l'a fait apparaître. En 1978 furent découvertes à Tilia Tepe, en Bactriane afghane, six tombes princières datant environ du début de notre ère. Même si les personnages enterrés n'appartenaient pas à un clan royal Yuezhi ou Kuṣāṇa (on peut penser aux Saka ou aux Parthes), les 20 000 objets d'or de Tilia Tepe nous renseignent sur l'éclectisme de ces nomades : passion pour l'or et les pierres de couleur ; représentations animalières stylisées qui évoquent l'« art des steppes » ; bijoux et armes de provenance et d'époque très diverses, aussi bien chinoise, gréco-bactrienne, iranienne (parthe et achéménide), qu'assyrienne, indienne ou grecque, etc. S'établissant en Bactriane, ces mêmes Yuezhi découvrent la grande architecture et la grande statuaire gréco-bactriennes que la fouille d' Aï Khanum nous a révélées, mais aussi un art populaire ou rural hérité de la Bactriane achéménide et encore très peu connu. Les composantes de la culture artistique indienne au moment de la conquête kuṣāṇa sont encore à préciser, mais a priori elles sont disparates : vieille statuaire indienne de la vallée du Gange, art hellénisé des cours indo-grecques, culture iranienne des envahisseurs saka et parthes. La paix kuṣāṇa permit de réaliser des synthèses, diversement équilibrées selon les provinces et les genres, de ces tendances hétérogènes.

En architecture, les Kuṣāṇa n'innovent guère : villes ceintes de murailles en briques crues et en terre, à tours carrées (Balkh, Dalverzin, Dilberjin, Surkh Kotal) selon la vieille technique achéménide et gréco-bactrienne (Balkh, Aï Khanum, Taxila/Sirkap). On note des variantes intéressantes de ce type, parfois appelées à un grand développement ultérieur, mais qui sont en fait la reprise de solutions expérimentées antérieurement en Asie centrale : courtines à galeries internes (Xorezm), tours rondes et creuses (Taxila/Sirsukh, Kauśambī). L' architecture civile non bouddhique prolonge également l'architecture de la Bactriane grecque (elle-même partiellement marquée par la tradition iranienne antérieure) : mêmes plans types, mêmes matériaux, mêmes procédés, même goût pour le gigantisme, même décor à la grecque. Mais la tendance est à construire plus vite et moins cher ; le décor en souffre : la pierre de taille grecque est remplacée par des placages, les fûts de colonne et les chapiteaux sont désormais en bois ou en terre, la sculpture est moins soignée, etc. L'innovation majeure est l'emploi de la voûte, découverte antérieurement, mais qui tend à se répandre sous les Kuṣāṇa, de Xalcǎjan à Kauśambī. Il y a là un parallélisme avec l'Iran parthe, bien que la voûte appareillée ne soit pas utilisée dans tous les grands monuments de Bactriane (Surkh Kotal) et ne se soit pas généralisée en Inde. Si l'impact des techniques irano-grecques sur l'Inde est difficilement mesurable pour l'instant, faute de documents, l'action de l'Inde sur l'Iran apparaît de plus en plus nettement. S'implantant en Bactriane, les religions indiennes y ont apporté leurs édifices cultuels : monastères et stūpa bouddhiques (Merv, Airtam, Dalverzin, Dilberjin, Surkh Kotal, etc.), temples shivaïtes (au moins à Dilberjin).[...]

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Pour citer cet article

Gérard FUSSMAN. KUṢĀṆA EMPIRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Territoires soumis aux Kouchans - crédits : Encyclopædia Universalis France

Territoires soumis aux Kouchans

-200 à 200 apr. J.-C. La loi romaine - crédits : Encyclopædia Universalis France

-200 à 200 apr. J.-C. La loi romaine

Couronne en or, art de l'Afghanistan - crédits :  Bridgeman Images

Couronne en or, art de l'Afghanistan

Autres références

  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
    • 37 316 mots
    • 19 médias
    ...Certains les considèrent comme étant d'origine turco-mongole, tandis que d'autres voient en eux une branche des Scythes. Au début de l'ère chrétienne, les Kushana, qui après leur conquête de la Bactriane avaient adopté un mode de vie sédentaire et maîtrisé l'art de l'administration centralisée, déferlèrent...
  • BALKH

    • Écrit par Jean CALMARD
    • 386 mots
    • 1 média

    Maintenant modeste bourgade du nord de l'Afghanistan, Balkh (l'ancienne Bactres, capitale de la Bactriane) fut jadis une métropole prospère. Située dans une plaine autrefois fertile, à un carrefour de routes entre l'Iran, l'Inde et la haute Asie, elle fut l'un des berceaux des tribus aryennes...

  • BEGRĀM

    • Écrit par Jeannine AUBOYER
    • 987 mots

    À 60 kilomètres au nord de Kaboul, au confluent du Gorbhand et du Pañjshir, une ville de faible importance, flanquée au nord-ouest d'un poste militaire fortifié (l'actuel Bordj-i‘-Abdallah), semble avoir existé au vie siècle avant J.-C. Détruite par Cyrus, restaurée par Darius, fortifiée...

  • GANDHĀRA

    • Écrit par Rita RÉGNIER
    • 714 mots
    • 1 média

    Dans l'Inde ancienne, « Gandhāra » désignait une région située à la frontière de l'Afghanistan et du Pakistan actuels. Elle comprenait essentiellement, de part et d'autre de l'Indus, les territoires correspondant aujourd'hui aux districts de Peshāwar et de Rawalpindi...

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Voir aussi