IBARRURI GÓMEZ DOLORES dite LA PASIONARIA (1895-1989)

Dolores Ibarruri Gomez, dite La Pasionaria, 1974 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Dolores Ibarruri Gomez, dite La Pasionaria, 1974

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Celle que le monde entier a connue sous le nom de « la Pasionaria » était née à Gallarta, bourgade minière proche de Bilbao, le 9 décembre 1895. D'ascendance à la fois basque et castillane, Dolores Ibarruri Gómez était la huitième de treize enfants. Son père était mineur de charbon, dévot et carliste. La famille avait une vie misérable. Elle eut pourtant la chance, exceptionnelle dans un tel milieu, de fréquenter l'école primaire mais ne put réaliser son rêve de devenir institutrice. Elle entama un apprentissage de couturière, puis fut bonne à tout faire et se maria à vingt ans avec un mineur asturien, Julian Ruiz ; ils eurent six enfants dont des triplés.

Son mari l'introduisit dans l'univers militant, les bibliothèques populaires, les bulletins politiques et syndicaux. Elle commença à écrire sous le pseudonyme de la Pasionaria dans El Minero de Vizcaya. Enthousiasmée par la révolution russe, membre du Parti socialiste en 1917, elle fut de la poignée de militants socialistes qui se tournèrent vers la IIIe Internationale ; en 1920, elle était membre du comité provincial de Biscaye lors de la constitution du minuscule Parti communiste d'Espagne.

Belle femme au sourire éclatant et au port de reine, elle fit une carrière obscure mais rapide d'apparatchik marquée par son attachement inconditionnel à Moscou. C'est l'élimination de la vieille garde qui l'amena en même temps que José Díaz, à la fin des années 1920, dans le noyau dirigeant, au comité central en 1930 et au bureau politique au lendemain du VIe congrès, à Séville, en 1932, à la suite de l'élimination de José Bullejos et de son groupe.

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C'est en mars 1932 qu'elle fut arrêtée à Madrid et maintenue en prison dans la capitale et à Bilbao jusqu'en janvier 1933.

Elle se rendit pour la première fois à Moscou en 1933 et prit part, en décembre de cette année, au plénum élargi du comité exécutif de l'Internationale communiste.

En octobre 1934, lors de l'insurrection ouvrière des Asturies, que le P.C.E. rallia à la onzième heure, elle était à Madrid où l'insurrection avorta. Elle alla à Oviedo en pleine répression, fut arrêtée, mais finalement libérée et autorisée à emmener les enfants de mineurs qu'elle était venue chercher.

Fin de la guerre civile espagnole, 1939 - crédits : National Archives

Fin de la guerre civile espagnole, 1939

Élue en février 1936 député sur la liste du Front populaire aux Asturies, elle devint vice-présidente des Cortes. Le 16 juin, elle répondit à une intervention menaçante du dirigeant de la droite Calvo Sotelo en réclamant l'arrestation des conspirateurs et de leurs complices. Les franquistes présentèrent ultérieurement ce discours comme un appel au meurtre de Calvo Sotelo, une interprétation insoutenable, l'enchaînement qui a conduit à l'assassinat de ce dernier ayant été parfaitement reconstitué par les historiens.

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Pendant la guerre civile qui éclata quelques semaines plus tard, celle qu'on appelait la Pasionaria, et dont le P.C.E. fit la figure de proue de son agitation, était, avec José Díaz et Jesús Hernández, la façade officielle de sa direction, assurée en fait en coulisse par des hommes de Moscou. Sa personnalité chaleureuse, ses dons d'oratrice, l'impact de sa silhouette, vêtue de noir, de veuve des héros lui donnaient une dimension presque mythique.

Quand l'U.R.S.S. abandonna à l'automne de 1936 sa politique de non-intervention, la défense de Madrid passa au centre de l'attention de l'opinion mondiale. Avec ses formules célèbres « No pasarán » (« Ils ne passeront pas »), « Plutôt mourir debout que de vivre à genoux », elle incarna aux yeux de millions de ses contemporains la volonté de résistance au fascisme du peuple espagnol.

Dans l'appareil, cependant, elle était l'objet de sévères critiques pour sa liaison avec un cheminot communiste, de vingt ans plus jeune qu'elle, Francisco Antón, dont elle fit la carrière dans le P.C.E. et comme commissaire politique de l'armée, cependant que son mari combattait au front.

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À la fin de la guerre civile, elle quitta l'Espagne en avion le 6 mars 1939 et, de là, gagna Moscou où Antón la rejoignit en 1940, sur intervention du ministre des Affaires étrangères, traversant l'Allemagne nazie avec un passeport légal. Cette présence ainsi que l'exil de son mari dans une usine de province nourrirent les rumeurs et les attaques personnelles dans l'appareil. Sa position demeurait solide : membre du secrétariat de l'Internationale communiste en 1940 elle succéda à Díaz au secrétariat général du P.C.E. en 1942 et signa en tant que membre du présidium la résolution dissolvant l'Internationale communiste.

Résidant partiellement à Paris au lendemain de la guerre, elle se replia à nouveau sur l'U.R.S.S. pendant la guerre froide et Antón paya une infidélité de l'exil dans une usine de la province polonaise. En 1960, elle devint présidente du P.C.E., laissant le secrétariat général à Santiago Carrillo. Elle se maintint dès lors sur une position centriste, évitant rupture et éclats, tolérant l'« eurocommunisme », mais n'oubliant jamais la référence à l'U.R.S.S.

Elle revint en Espagne le 13 mai 1977 dans un avion soviétique, arborant deux décorations soviétiques. Elle vécut dans une retraite modeste, mais entourée d'honneurs. Ses funérailles eurent un caractère d'unanimité nationale avec l'hommage du personnel politique dans son ensemble et de centaines de milliers de Madrilènes et d'Espagnols pour qui cette femme de modeste envergure était devenue le symbole de la lutte populaire contre le fascisme.

— Pierre BROUE

Bibliographie

Œuvres de Dolores IbarruriEl Unico Camina. Memorias de la Pasionaria, Mexico, 1963 ; En la lucha Palabras y Hechos (1936-1939), Moscou, 1968.

Études V. Alba, El Partido comunista en España, Planeta, Barcelone, 1979

G. Moran, Miseria y grandeza del Partido comunista de España 1939-1945, ibid., 1986

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T. Pamies, Una española llamada Dolores Ibarruri, Mexico, 1975.

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Fin de la guerre civile espagnole, 1939 - crédits : National Archives

Fin de la guerre civile espagnole, 1939

Autres références

  • ESPAGNE (Le territoire et les hommes) - De l'unité politique à la guerre civile

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    • 18 médias
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