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COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS, Bernard-Marie Koltès Fiche de lecture

Après avoir consacré une dizaine d’années à la mise en scèneet à l’écriture pour le théâtre dans un relatif anonymat, Bernard-Marie Koltès (1948-1989) s’est fait connaître par sa pièce Combat de nègre et de chiens. Écrite entre 1978 et 1980, elle est jouée pour la première fois en 1982 au théâtre de La Mama à New York. Toutefois, c’est en 1983, en ouverture de la première saison du théâtre des Amandiers de Nanterre, alors dirigé par Patrice Chéreau (1944-2013), que commence sa véritable carrière, comme celle de son auteur. Elle inaugure une féconde collaboration, quoique orageuse, entre les deux hommes, d’où naîtront Quai ouest (1986), Dans la solitude des champs de coton (1987)etLe Retour au désert (1988),avant leur rupture. La dernière pièce de Koltès, Roberto Zucco, sera présentée par Peter Stein à la Schaubühne de Berlin (1990), un an après la mort prématurée de Koltès.

Le succès public et critique de Combat de nègre et de chiens à sa création a tenu sans doute pour une part à la curiosité suscitée par l’une des premières incursions de Chéreau – célébré pour son approche renouvelée du répertoire classique et de l’opéra – dans le théâtre contemporain, de surcroît avec un auteur quasi inconnu. Il dut également beaucoup à la distribution (dont Michel Piccoli et Philippe Léotard), ainsi qu’au décor spectaculaire de Richard Peduzzi et au dispositif scénique bifrontal (deux gradins de spectateurs de part et d’autre de la scène), alors novateur. Moins jouée que Dans la solitude des champs de coton,la pièce a donné lieu par la suite à plusieurs reprises, notamment au Théâtre national de Toulouse (2001), au Théâtre national de la Colline (2010), ou encore, en 2022, au théâtre de la Bastille et à la Maison des arts et de la culture de Créteil (MAC).

Un lieu métaphorique

La pièce, selon Koltès, « parle simplement d’un lieu du monde », en l’occurrence « un chantier de travaux publics d’une entreprise étrangère » sur le point de fermer, quelque part en « Afrique de l’Ouest, du Sénégal au Nigeria ». Dans cette « cité, entourée de palissades et de miradors », où se tiennent des gardes armés qu’on ne verra jamais, mais qu’on entend comme une menace invisible (« bruits de langue, de gorge, choc de fer sur du fer, de fer sur du bois, petits cris... », d’après les didascalies de la pièce), seuls résident les cadres blancs : le chef de chantier de soixante ans, Horn, et un ingénieur d’une trentaine d’années, Cal. Un Noir du nom d’Alboury s’est pourtant « mystérieusement introduit dans la cité » : il est venu réclamer le corps de son « frère », un ouvrier mort non pas accidentellement, comme le prétendent les Blancs, mais tué par Cal d’un coup de révolver au prétexte qu’il voulait quitter le chantier avant l’heure et qu’il lui a « craché aux pieds ».

Au même moment est arrivée Léone, une femme de chambre que Horn a fait venir de Paris dans le but de l’épouser. Tandis que Horn essaie de persuader Alboury de renoncer au corps contre de l’argent pour la famille du défunt, Cal fait la connaissance de Léone : à la fois effrayé et attiré par elle (« on n’a pas vu de femme ici, depuis le début du chantier ; alors, d’en voir une, de te voir, ça me retourne, voilà »), il dénigre Horn, le futur mari de celle-ci, rendu impuissant à la suite d’une blessure. Cal brutalise également Léone et tente de la violer. Peu après, la jeune femme rencontre Alboury : bien qu’il lui parle en wolof et elle en allemand, ils semblent se comprendre. Cal cherche à dissuader Horn d’épouser Léone, puis les deux hommes se disputent sur l’attitude à adopter vis-à-vis d’Alboury : le second aimerait négocier, le premier est partisan de l’éliminer.

Puis Horn explique à Alboury qu’il ne peut obtenir ce qu’il demande car le corps de l’ouvrier[...]

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Pour citer cet article

Guy BELZANE. COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS, Bernard-Marie Koltès - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHÉREAU PATRICE (1944-2013)

    • Écrit par Anne Françoise BENHAMOU
    • 2 955 mots
    ...disposition d'artistes prestigieux et grâce auquel il révèle l'œuvre de Bernard-Marie Koltès dont il crée quatre pièces en six ans. C'est avec Combat de nègre et de chiens (1983) qu'il ouvre la première saison : pour imposer un auteur alors inconnu, il signe un spectacle brillant, joué par des...
  • KOLTÈS BERNARD-MARIE (1948-1989)

    • Écrit par Raymonde TEMKINE
    • 562 mots
    • 2 médias

    Né le 9 avril 1948 à Metz dans une famille catholique pratiquante, Bernard-Marie Koltès poursuit ses études chez les jésuites ; sans crise et sans agressivité, il prendra ses distances avec la religion. Avec des camarades, il monte sa première œuvre, Les Amertumes (1971), inspirée d'...

Voir aussi