Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SCHIARETTI CHRISTIAN (1955- )

Philosophe de formation, le metteur en scène Christian Schiaretti est de ceux qui placent l'exigence politique au cœur de la pratique théâtrale. Revendiquant une position de créateur-artisan étranger au sérail, il tente de concilier ses choix esthétiques avec des prises de position vigoureuses sur le devenir de l'institution.

De 1975 à 1983, il se forme au théâtre. Animateur, organisateur de stages et d'atelier en Seine-Saint-Denis, il enseigne à Reims, à Strasbourg, met en place l'école-théâtre de La Belle de mai à Créteil. La création de sa propre troupe a lieu en 1985.

Christian Schiaretti crée en 1983 Ariakosde Philippe Minyana. Pratiquant l'écriture et l'adaptation, il réalise l'année suivante un montage autour de Roger Vitrac, dont il mettra en scène Les Mystères de l'amour en 1993. Il semble en ce milieu des années 1980, attiré par l'esthétique début de siècle, comme l'atteste en 1985 Le Journal d'un chien, d'après l'écrivain allemand anticatholique Oscar Panizza auteur du Concile d'amour. Mais il reviendra plusieurs fois sur les œuvres des grands écrivains chrétiens français du xxe siècle – qu'il s'agisse de La Mort de Judas de Claudel(1994), de son Point de vue de Pilate ou des Trois Prières du mystère de la vocation de Péguy (1995) – confrontant avec humour la liturgie, l'imagerie et la foi chrétiennes à un processus scénique peu jaloux de ses secrets de fabrication. C'est ainsi que dans la Jeanne d'Arc de Joseph Delteil (1996), le bric-à-brac qui encombre les coulisses (un balai, une bouteille de détergent) figure les protagonistes du drame de la pucelle d'Orléans.

Ajax et Philoctète de Sophocle, que Schiaretti réunit dans le même spectacle en 1987, est un de ses spectacles majeurs. Il y pose la question du lien entre la politique et l'éthique à laquelle la figure d'Ulysse, présent dans les deux tragédies, apporte une réponse, par son pragmatisme et son « cynisme généreux ».

Lui-même auteur (Léon la France, hardi voyage vers l'Ouest africain, coécrit avec Philippe Mercier et mis en scène en 1989), Christian Schiaretti s'attache volontiers aux œuvres méconnues. Il contribue à faire découvrir en France Harald Mueller (Rosel, 1988 ; Épave, 1989), derrière l'humour noir duquel se déploie une violente critique de l'idéologie bourgeoise. Mais Schiaretti ne s'arrête pas au discours : il invente pour Rosel un dispositif tenant du cabaret berlinois et du manège, et suggérant la ronde cruelle du destin. Avec Le Laboureur de Bohême de Johannes von Saaz (1990), il porte à la scène un dialogue philosophique avec la mort. Est-ce déjà le soir, esquisse pour un chœur européen de Jean-Pierre Sarrazac (1990) est une tentative d'écriture chorale autour de quelques-uns de nos mythes fondateurs. Ce goût de la création et de l'inédit ne l'empêche pas d'aborder les dramaturges consacrés du xxe siècle (Pirandello, Brecht, Witkiewicz, Vinaver).

Avant d'accéder à la direction d'un Centre dramatique national, Schiaretti menait au petit théâtre de l'Atalante à Paris, véritable laboratoire alternatif, une politique en accord avec sa philosophie, à une échelle réduite. Prenant la tête de la Comédie de Reims qu'il dirigera de 1991 à 2002, il constitue une troupe, outil permanent qu'il juge indispensable à l'intégrité de son travail.

En 1994 commence une collaboration avec le philosophe Alain Badiou, créateur d'un personnage, Ahmed, grâce auquel il souhaite réinvestir la forme de la satire théâtrale. Ahmed le subtil (1994) reprend le canevas des Fourberies de Scapin, mais manque quelque peu sa dénonciation des travers actuels, malgré une mise en scène de Schiaretti jouant finement des codes de la scène du xviie siècle. Suivront Ahmed philosophe[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

David LESCOT. SCHIARETTI CHRISTIAN (1955- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CORIOLAN (mise en scène C. Schiaretti)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 1 175 mots

    Il y un côté « hussard noir » du théâtre chez Christian Schiaretti. Successeur depuis 2002 de Roger Planchon à la tête du T.N.P. à Villeurbanne, après avoir été dix ans directeur du Centre dramatique national de Reims, il ne cesse d'y défendre un théâtre ancré dans le politique et dans l'Histoire,...

  • SIÈCLE D'OR (mise en scène C. Schiaretti)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 971 mots

    Commencé en 1556 avec l'accession au trône de Philippe II qui hérite de son père Charles Quint un immense empire, le Siècle d'or espagnol s'achève en 1659 quand s'affirme la prédominance française en Europe. Il constitue l'une des périodes les plus importantes et les plus riches de l'histoire de la...

Voir aussi