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CAUDILLISME

Le caudillo avait été, dans l'Espagne féodale, à l'époque de la Reconquista, le seigneur ou l'aventurier maître d'une armée personnelle. En Amérique latine, à l'époque de l'indépendance (1811-1825), les structures sociales archaïques qui prévalaient encore se fondaient principalement sur des allégeances personnelles et l'on a donné le nom de caudillos à ceux qui utilisaient la fidélité de leurs clientèles pour conquérir le pouvoir, par la violence le plus souvent, mais aussi par voie électorale.

Pendant la plus grande partie du xixe siècle, le caudillisme a dominé la vie politique des pays hispano-américains, mais non pas celle du Brésil luso-américain ; dans une phase – plus ou moins longue suivant les pays – où se sont construits de nouveaux États sur les débris de l'empire colonial espagnol, les violences et l'arbitraire des caudillos ont pu n'être pas toujours entièrement nuisibles : quelques-uns d'entre eux ont été des rassembleurs de terres et, parfois aussi, ils ont ébranlé l'hégémonie des oligarchies d'origine coloniale que l'indépendance avait laissées intactes ou même renforcées.

Mais, au xxe siècle, la persistance anachronique du caudillisme dans quelques pays attardés et, dans presque tous les autres, la survivance locale des allégeances personnelles sur lesquelles il reposait et des méthodes de gouvernement qu'elles impliquaient, ont perturbé la vie politique de nations qui se sont consolidées sous des formes étatiques, ont entravé l'établissement d'une administration ordonnée et efficace et ont contribué à l'instabilité des gouvernements.

Fondement du caudillisme : le caciquisme

En dehors de villes encore peu nombreuses, l'Amérique latine possédait au xixe siècle des structures sociales proches de celles qui avaient favorisé l'apparition du caudillo dans l'Espagne médiévale. L'administration coloniale ne s'était jamais directement étendue aux populations rurales : des communautés amérindiennes subsistaient à l'écart, sous la direction de leurs chefs traditionnels ou d'ordres religieux ; de vastes zones n'avaient pas été mises en valeur et les éléments marginaux qui s'y étaient réfugiés y demeuraient à l'état barbare, sous la seule autorité des chefs qu'ils se choisissaient ; là où la colonisation rurale avait été organisée, elle avait utilisé une forme de très grande propriété – hacienda en Amérique espagnole, fazenda au Brésil – qui constituait une seigneurie tout autant qu'une exploitation agricole. Le seigneur s'était vu confier une pleine autorité sur les habitants de son domaine, qui, lorsqu'ils n'étaient pas ses serfs ou ses esclaves, n'en étaient pas moins ses sujets.

Les chefs de ces communautés, seigneurs de l'hacienda, aventuriers conduisant des bandes barbares, chefs d'armées qui n'étaient pas encore nationales, parfois aussi, chefs de communautés amérindiennes, pouvaient exiger de leurs clientèles une fidélité inconditionnelle ; ils leur devaient une protection également inconditionnelle. On a donné le nom de caciques colonels au Brésil – à ceux qui exerçaient ainsi leur patronage sur une clientèle locale. L'organisation de la société rurale en fonction d'allégeances personnelles qui primaient celles qui étaient dues en principe à l'État et à la loi, le caciquisme, a été le phénomène de base des structures sociales et politiques latino-américaines.

Comme dans une société féodale, la souveraineté était morcelée en une multitude de petites communautés sur lesquelles les représentants des couronnes espagnole et portugaise n'exerçaient qu'une suzeraineté lointaine, plus nominale que réelle. Dans l'Amérique espagnole, au lendemain de l'indépendance, la disparition de la suzeraineté[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Lyon.

Classification

Pour citer cet article

Jacques LAMBERT. CAUDILLISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Zapata, chef rebelle - crédits : Bettmann/ Getty Images

Zapata, chef rebelle

Pancho Villa - crédits : Topical Press Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Pancho Villa

Le retour d'Obregon - crédits : Fox Photos/ Getty Images

Le retour d'Obregon

Autres références

  • ARGENTINE

    • Écrit par Jacques BRASSEUL, Universalis, Romain GAIGNARD, Roland LABARRE, Luis MIOTTI, Carlos QUENAN, Jérémy RUBENSTEIN, Sébastien VELUT
    • 37 033 mots
    • 18 médias
    ...Provinces-Unies du Río de la Plata ne représentent plus qu'une fiction juridique et une vague aspiration : nombre de ces provinces promulguent des constitutions ou des règlements provisoires et sont dirigées par des caudillos, meneurs d'hommes et défenseurs vaillants des intérêts économiques régionaux.
  • BOLIVIE

    • Écrit par Virginie BABY-COLLIN, Jean-Pierre BERNARD, Universalis, Jean-Pierre LAVAUD
    • 11 790 mots
    • 8 médias
    ...du pouvoir comme voie d'enrichissement privé conduisirent à des pratiques qui contredisaient l'esprit démocratique des institutions. Prétorianisme ou caudillisme militaire déchirèrent le pays. La tradition n'en est pas encore éteinte. De 1825 à nos jours, on a pu compter plus de cent cinquante rébellions...
  • BRÉSIL - La conquête de l'indépendance nationale

    • Écrit par Frédéric MAURO
    • 6 217 mots
    • 4 médias
    ...propriétaires l'emporte. La Constitution de 1891, qui se réclame de la devise d'Auguste Comte – « ordre et progrès » –, substitue au régime parlementaire libéral de l'Empire un régime présidentiel maladroitement calqué sur celui des États-Unis. Elle ouvre la porte au caudillisme et aux aventures politiques.
  • ÉQUATEUR

    • Écrit par Jean-Paul DELER, Universalis, Yves HARDY, Catherine LAMOUR, Emmanuelle SINARDET
    • 8 605 mots
    • 9 médias
    Une révolution porta au pouvoir, en 1944, José María Velasco Ibarra, dont la personnalité domina la scène politique vingt-cinq ans durant. Représentatif des grandes familles créoles équatoriennes et volontiers autoritaire, il avait été élu une première fois à la tête de l'État en 1933 et déposé...
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Voir aussi