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FUENTES CARLOS (1928-2012)

Le mythe et l'Histoire

Les livres de Fuentes sont une patiente approche, par le biais du fantastique – le meilleur exemple en est Aura (1962), longue nouvelle où l'écrivain jongle brillamment avec le thème du double et de la réitération −, de la fiction, de l'humour et du sarcasme, des grands mythes de l'humanité. Ainsi, dans Peau neuve (1967), l'Histoire déroule ses anneaux, comme le Serpent à Plumes des monuments préhispaniques. À chacune de ses révolutions correspond un acte sacrificiel. Le thème du voyage initiatique occupe le centre du livre : voyage géographique, à l'intérieur et à l'extérieur du Mexique ; voyage historique, vers le passé précolombien ; voyage sentimental ; voyage à travers la mémoire.

Avec de plus en plus d'insistance, Fuentes s'interroge sur les rapports entre la littérature, ou l'art, et l'Histoire. La lecture de Don Quichotte lui fournit un certain nombre de réponses, qu'il rassemble dans un essai de 1976, Cervantès, ou la Critique de la lecture : « L'art donne vie à ce que l'Histoire a assassiné. L'art donne une voix à ce que l'Histoire a nié, passé sous silence ou persécuté. L'art soustrait la vérité aux mensonges de l'Histoire. » Ainsi s'affirme ce « désir d'irréalité » qui, pour Fuentes, n'est que l'affirmation d'une « autre réalité ». En 1975, alors qu'il vient d'être nommé ambassadeur du Mexique en France, il publie Terra Nostra, immense roman qui couvre 2 000 ans d'histoire et embrasse l'espace de quatre continents. Le centre « historique » du livre est le règne de Philippe II d'Espagne. Mais l'auteur remonte également à l'Empire romain et projette son lecteur dans la dernière décennie du xxe siècle. Les réminiscences culturelles et historiques s'accumulent, se fécondent, engendrent des monstres et des fantasmes. Terra Nostra établit un lien entre l'histoire cyclique qui conduit inéluctablement à la catastrophe et l'avènement d'un temps qui sera celui de la résurrection, de l'utopie. Si le roman explore, en laissant le champ libre à l'imagination, les liens entre l'Espagne et l'Amérique, c'est sur l'héritage culturel de la France au Mexique et sur l'occasion perdue de créer une culture universelle en Amérique que revient Fuentes dans Une certaine parenté (1980). Au-delà de la notion d'échange, c'est la question de l'origine qui se pose ici, comme elle se posera dans les cinq nouvelles de Constancia et autres histoires pour vierges (1989). De même, L'Instinct d'Inés (2001) est à la fois une relecture du mythe de Faust et une remontée aux sources du langage.

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Claude FELL. FUENTES CARLOS (1928-2012) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Autres références

  • LE BONHEUR DES FAMILLES (C. Fuentes) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 036 mots
    • 1 média

    En 2002, dans Ce que je crois, ce glossaire où il formulait ses convictions, Carlos Fuentes, entre « Expérience » et « Faulkner », ouvrait une rubrique « Famille » : « Nous formions une heureuse famille », notait-il en revenant sur sa généalogie personnelle. Aux yeux de Tolstoï, donc, ce n'était pas...

  • AMÉRIQUE LATINE - Littérature hispano-américaine

    • Écrit par , , et
    • 16 947 mots
    • 7 médias
    L’écrivain mexicain Carlos Fuentes, dont la virtuosité technique élabore dans La muerte de Artemio Cruz (1962, La Mort d'Artemio Cruz), à travers la confession d'un agonisant, un nouveau monologue intérieur à trois personnes – Je-Tu-Il –, donne quelques-uns des grands romans du moment, ...
  • EXIL LITTÉRATURES DE L'

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    ...mal – ou encore ce malheur-là n'est pas de même nature – à quitter leur pays, dès lors qu'ils rejoignaient la vaste hispanité, celle dont le Mexicain Carlos Fuentes a fait la description aussi précise qu'ironique, plus culturelle que géographique, et d'une rare vérité dans la démystification des racines...
  • TERRA NOSTRA, Carlos Fuentes - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 569 mots
    • 1 média

    En dehors de Paradiso (1966), du Cubain José Lezama Lima, on n'a pas d'exemple, dans la littérature latino-américaine contemporaine, de tentative romanesque aussi ambitieuse que Terra Nostra (1975), du romancier mexicain Carlos Fuentes (1928-2012).