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BERNHARDT SARAH ROSINE BERNARD dite SARAH (1844-1923)

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De la scène au mythe

Si elle ne recule devant aucune extravagance, et provoque volontiers le scandale, Sarah Bernhardt sait aussi se montrer d'un courage peu commun. En 1870, elle s'institue infirmière au théâtre de l'Odéon pour soigner les blessés de guerre ; après avoir subi les attaques antisémites de Drumont dans La France juive (1886), elle prend ouvertement le parti de Zola lors de l'affaire Dreyfus. Malgré une douleur à la jambe, elle continue à travailler sans relâche, jusqu'à ce qu'en 1915 il faille l'amputer. Condamnée à jouer assise, elle n'en entreprend pas moins une ultime tournée « patriotique » aux États-Unis, de 1916 à 1918.

Fidèle à la devise qu'elle s'est choisie – « Quand même ! » –, Sarah Bernhardt ne vit que dans le tourbillon des défis et de l'action, à la fois comédienne, directrice de théâtre (le théâtre de la Porte Saint-Martin, celui de la Renaissance, puis le Théâtre Sarah-Bernhardt, rebaptisé Théâtre de la Cité sous l'Occupation avant de devenir le Théâtre de la Ville en 1968), metteur en scène (elle supprime le trou du souffleur, invente des jeux de scène régulièrement repris, comme les chandeliers posés par Tosca auprès du cadavre de Scarpia), et même sculpteur, ce qui lui vaudra bien des sarcasmes, malgré le soutien de Zola.

Sarah Bernhard s'est voulue libre sur scène comme dans la vie. Plus exactement, elle a refusé toute frontière entre l'une et l'autre (ce qui participe aussi de son aura de « star ») et s'est placée hors de toute norme, jusque dans son physique. Jugée trop maigre dans sa jeunesse, elle annonce déjà les silhouettes des années 1920. Les témoignages filmés ou enregistrés ne donnent d'elle qu'une image faussée, à cause de leur qualité trop médiocre. Mais comment douter de sa capacité à enflammer l'imagination de ses contemporains ? Lors de ses funérailles, quelque 600 000 personnes saluèrent les cinq chars couverts de camélias blancs qui l'emportaient de son appartement du boulevard Malesherbes jusqu'au cimetière du Père-Lachaise. Déjà, dans À l'ombre des jeunes filles en fleurs (1918), et dans Le Côté de Guermantes (1920-1921), Marcel Proust en avait fait l'archtétype de la tragédienne, sous les traits de la Berma.

— Didier MÉREUZE

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

Classification

Pour citer cet article

Didier MÉREUZE. BERNHARDT SARAH ROSINE BERNARD dite SARAH (1844-1923) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Média

Sarah Bernhardt dans <it>Adrienne Lecouvreur</it> - crédits : AKG-images

Sarah Bernhardt dans Adrienne Lecouvreur

Autres références

  • MUCHA ALFONS (1860-1939)

    • Écrit par
    • 1 634 mots
    • 1 média
    À la fin de 1894, l'imprimeur Lemercier lui confie la réalisation d'une affiche pour une pièce de Victorien Sardou, Gismonda, dont Sarah Bernhardt est la vedette au théâtre de la Renaissance. Dans un format oblong inhabituel, l'affiche fait sensation : la célèbre tragédienne est représentée en...
  • ROSTAND EDMOND (1868-1918)

    • Écrit par
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    • 3 médias
    SarahBernhardt (1844-1923) va inspirer à Rostand deux pièces en vers, dont elle interprète le rôle-titre : La Princesse lointaine (1895) évoque l'amour éperdu du troubadour Joffroy Rudel pour Mélissinde, princesse orientale ; représentée le 5 avril 1895, la pièce fut rapidement retirée de la scène....
  • RUY BLAS, Victor Hugo - Fiche de lecture

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    Ruy Blas est une pièce en cinq actes et en alexandrins de Victor Hugo (1802-1885), créée à Paris, au théâtre de la Renaissance – inauguré pour l'occasion – le 8 novembre 1838, soit huit ans après la « bataille d'Hernani ». Huit années durant lesquelles le drame romantique...