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CHAMBERLAIN AUSTEN (1863-1937)

Fils aîné de Joseph Chamberlain, demi-frère du plus jeune, Neville, Austen Chamberlain appartient à la famille qui influença de manière décisive la politique britannique de la fin de l'ère victorienne à la Seconde Guerre mondiale. Son prestige personnel fut immense dans l'entre-deux-guerres, bien que progressivement éclipsé par celui de son frère, et le bilan aujourd'hui très critique de son action, de son choix systématique du « mauvais cheval » à l'intérieur et d'une politique financière et étrangère singulièrement déficiente, ne s'est imposé que progressivement.

Né dans le sérail politique, éduqué dans le temple de l'école secondaire moderne de Rugby, puis à Cambridge, il accède sans difficulté aux Communes en 1892 dans une circonscription du Worcestershire que son père lui avait soigneusement choisie et dont il demeura le représentant jusqu'en 1914. À cette date, il remplace Joseph dans le fief des Chamberlain, à Birmingham. Membre du parti libéral-unioniste, né de la scission du Parti libéral et de la désertion des adversaires d'un Home Rule pour l'Irlande, il suit le destin de ce parti, associé étroitement au Parti conservateur à partir de 1895. Il semble avoir hérité de son père davantage l'amour de la grandeur britannique que le goût d'un néo-radicalisme favorable aux classes laborieuses, mais il est aussi porteur de la tradition libérale de concertation avec les autres nations, de recherche de la paix, d'acceptation d'organismes internationaux.

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Il occupe très tôt des postes ministériels de second rang, à l'Amirauté et aux Finances, avant d'accéder, de 1903 à 1905, à celui, majeur, de chancelier de l'Échiquier, qu'il retrouva d'ailleurs en 1919-1921. Secrétaire d'État à l'Inde dans la coalition dirigée par Asquith (1915-1917), il s'oppose à l'avènement de Lloyd George, ce qui lui vaut d'attendre 1918 pour revenir au gouvernement. En 1921-1922, leader de son parti, il est, en cas de rupture de la coalition « khaki », le Premier ministre in partibus : son refus de suivre la base et de chasser Lloyd George du pouvoir le contraint à rentrer dans le rang et, en 1924, c'est la fonction plus modeste de secrétaire d'État aux Affaires étrangères qu'il doit accepter comme couronnement de sa carrière. Il demeure en fonction jusqu'en 1929, revient pour quelques semaines aux affaires en 1931 à l'Amirauté, mais se contente ensuite de siéger parmi les « vétérans » des Communes jusqu'à sa mort.

Le nom d'Austen Chamberlain est associé à quelques actes publics majeurs, mais il a aussi été presque jusqu'au bout un chef de parti écouté et qui a influé sur le destin et les orientations des conservateurs ; peut-être a-t-il aussi contribué à « porter » le destin de Neville Chamberlain, dont il a loyalement appuyé l'ascension politique dans les années trente jusqu'aux responsabilités de Premier ministre que Neville assuma deux mois après la mort d'Austen.

Austen Chamberlain, au lendemain de la Grande Guerre, assuma, en tant que responsable des Finances, une responsabilité essentielle dans le retour à la normale, l'abandon très rapide du dirigisme étatique, la volonté de restaurer à tout prix la livre sterling et de rendre ainsi à la City son rôle de grande place financière internationale. Membre éminent du Cabinet et chef de file des conservateurs, il sut par contre innover dans la question d'Irlande : malgré son passé unioniste et son sens de l'Empire, il conduisit son parti à accepter la « partition » de l'île et la création d'un « État libre » doté du rang de dominion. Sa signature figure, avec celle de Lloyd George, sur l'acte de compromis de décembre 1921.

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C'est en tant que Foreign Secretary qu'il joua un rôle historique dans ce qu'il considéra comme une garantie décisive pour la paix de l'Europe : la conclusion, en 1925, des accords de Locarno. Le Royaume-Uni consentit, pour autoriser la réconciliation franco-allemande et la rentrée de l'Allemagne dans le concert des nations au sein de la S.D.N., à accorder sa garantie aux frontières nées, à l'Ouest, des traités de 1919. Placé par là au pinacle des grands hommes d'État, au rang de Stresemann et de Briand, Austen Chamberlain, artisan du pacte, reçut la récompense britannique suprême de l'ordre de la Jarretière, ainsi que le prix Nobel de la paix . Sa politique ne fut pas toujours aussi positive : il refusa catégoriquement d'étendre aux frontières tchèques et polonaises la garantie accordée à la France et à la Belgique. Animé par un antibolchevisme virulent, il fut l'homme de la rupture des relations avec l'U.R.S.S. en 1927, trois ans après la reconnaissance officielle du régime soviétique. Il fut aussi le fossoyeur du protocole de Genève MacDonald-Herriot qui prévoyait un arbitrage obligatoire en cas d'agression. En 1929-1930, il se déclare internationaliste et fait reposer la sécurité de l'Angleterre sur l'action de la S.D.N. Il démontre sa sincérité en critiquant vivement, en décembre 1935, l'idée d'un compromis avec Mussolini sur la question d'Éthiopie.

Les dernières années de sa vie le voient favoriser ce qui devient, avec son frère, la politique d'appeasement. Elle repose sur la dénonciation des initiatives de Hitler, mais aussi sur la volonté « réaliste » d'une réconciliation avec l'Italie et sur une politique de fermeté nuancée par le souci des accommodements. Il fut « crédité » d'avoir recommandé l'abandon des sanctions contre Rome, ce qui peut passer pour sa dernière démonstration de naïveté.

— Roland MARX

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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