AUGURES
À Rome, membres d'un collège sacré, recrutés par cooptation et inamovibles. De quatre ( ?) à la fin du ~ ive siècle, leur nombre fut porté à six en ~ 300, puis à quinze par Sylla, à seize enfin par César. L'institution de ce collège remonte aux temps les plus archaïques de Rome et n'a pas dû évoluer sensiblement au cours de l'histoire : comme l'a montré G. Dumézil dans son ouvrage Religion romaine archaïque (1965), l'inscription dite de la pierre noire (Lapis niger) implique que, dès le ~ viie siècle, l'exercice des fonctions augurales était soumis à des règles minutieuses, qui étaient encore en vigueur au temps de Cicéron.
Ce collège était dépositaire d'un corps de doctrine très élaboré : le « droit augural » ; mais le secret auquel étaient tenus ceux qui en avaient connaissance a été si bien respecté que nous n'en connaissons pratiquement rien. Un seul point assuré au témoignage de Cicéron (De legibus, I, xx) : les augures étaient les « interprètes » de Jupiter en sa qualité de dieu maître des « signes », c'est-à-dire de toutes les manifestations sensibles qui permettent à l'homme de percevoir les approbations, les mises en garde ou les refus de la volonté céleste. Ce travail d'interprétation n'était que de consultation, jamais de prévision ; il ne se fondait que sur des signes définis à l'avance par l'augure ; il consistait à demander si l'accès de telle personne à une fonction politique ou religieuse, si le choix d'un emplacement pour un édifice était « mystiquement fondé » (fas). Le schéma de la formule rituelle était : « Jupiter, s'il y a un fondement mystique à ce que [...] envoie-moi des signes manifestes. »
Pour procéder à cette consultation, l'augure se tournait vers le sud, ayant l'orient à sa gauche (la gauche était à Rome le côté favorable) et l'occident à sa droite. Avec l'instrument spécifique de son art, le lituus, bâton recourbé et sans nœuds, il déterminait autour de lui un espace rigoureusement orienté et limité, à l'intérieur duquel il observait, selon des conventions complexes dont le détail est mal connu, le vol ou le cri de certains oiseaux, tels que les corbeaux, les corneilles, les pies. Cet espace défini par l'augure comme lieu privilégié de sa conversation rituelle avec Jupiter s'appelait templum. Comme aucun sanctuaire ne pouvait être fondé sans une intervention augurale, le mot a fini par désigner le sanctuaire lui-même ; mais, bien que fréquente, cette acception est secondaire. En outre, les augures avaient mission de valider ou d'invalider les présages observés par un magistrat avant de présider l'assemblée des citoyens ou de déclencher une bataille. Cicéron (De legibus, II, xxxi) leur reconnaît un véritable droit de tutelle (auctoritas) sur l'ensemble de la vie politique et religieuse de Rome.
Selon la thèse développée par G. Dumézil, le nom de l'augure doit être rattaché à un substantif neutre non attesté par ailleurs, augus, qui devait signifier : la « plénitude de force sacrée ». Le rôle de l'augure était de s'assurer que telle personne ou tel lieu bénéficiait bien de l'augus nécessaire à l'exercice d'une magistrature ou à la fondation d'un sanctuaire. C'était là le sens propre de la procédure de l'« inauguration ». Au reste, si le substantif augus ne se rencontre pas en latin classique, l'adjectif dérivé augustus y est honorablement représenté : est dit augustus l'homme doué d'une plénitude de force sacrée (augus), comme est dit robustus l'homme doué d'une plénitude de force physique (robur). En se laissant complaisamment donner le surnom d'Auguste, le fondateur de l'Empire assurait à l'exercice de son pouvoir la garantie de[...]
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Écrit par
- Jean-Paul BRISSON : professeur à l'université de Paris-X
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