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ASPIRINE ET CANCER

Publicité pour l'aspirine des usines du Rhône - crédits : Apic/ Getty Images

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Médicament plus que centenaire, l'aspirine a connu une deuxième jeunesse après la découverte de son effet antiagrégant plaquettaire, qui en a fait l'un des piliers de la prévention des accidents cardio-vasculaires. Un nouveau champ d'application, tout aussi vaste, semble sur le point de s'ouvrir depuis quelques années, avec la publication de plusieurs études indiquant qu'elle diminuerait le risque de tumeur maligne. Prescrira-t-on bientôt de l'aspirine pour prévenir les cancers ? Trois analyses publiées simultanément en 2012, par une même équipe, celle du professeur Peter Rothwell, de l'université d'Oxford, donnent un peu plus de poids à cette hypothèse, sans toutefois apporter d'arguments suffisants pour envisager de proposer un traitement préventif par aspirine à des personnes sans facteur de risque particulier.

Des études préliminaires encourageantes

Les premiers éléments en faveur d'un effet de l'aspirine sur le développement de tumeurs malignes sont venus de l'expérimentation animale, dans les années 1970, et d'études dites « observationnelles », cherchant à évaluer rétrospectivement la fréquence des prises d'aspirine chez des personnes atteintes d’un cancer du côlon ou du rectum par rapport à une population de référence. Ensuite est venu le temps des essais contrôlés. Les premiers ont été effectués sur des personnes ayant une prédisposition familiale aux cancers colorectaux. Un essai, en particulier, a inclus des patients qui présentaient un syndrome de Lynch. Cette prédisposition génétique rare entraîne un risque de cancer du côlon et du rectum de 40 p. 100 avant l’âge de soixante-dix ans. Administrée selon un tirage au sort, à la dose de 600 mg par jour, l'aspirine a diminué de près de la moitié la fréquence de ce cancer, après quatre ans et demi de suivi. D'autres études ont permis de conclure que, prescrite à des personnes atteintes de polypes coliques, l'aspirine à faible dose (81 à 325 mg/j) diminue la probabilité d'évolution de ces lésions précancéreuses.

Les effets préventifs de l'aspirine pourraient-ils s'étendre à des personnes non prédisposées et à d'autres cancers ? Pour le savoir, Peter Rothwell, grand spécialiste de la prévention des accidents vasculaires cérébraux, a eu l'idée de recenser les cancers survenus chez les personnes ayant participé aux essais conduits pour évaluer l'efficacité de l'aspirine dans la prévention cardio-vasculaire. Dans une première analyse de cinq essais, le risque de cancer colorectal, était réduit de 24 p. 100 à vingt ans dans les groupes traités par aspirine (30 à 350 mg/j) et la mortalité liée à ce cancer de 35 p. 100. L'effet préventif était plus net lorsque le traitement avait duré au moins cinq ans et pour les cancers de la partie proximale du côlon. En revanche, le bénéfice n'était pas plus élevé pour des doses supérieures à 70 mg/j. Une deuxième analyse, incluant huit essais et 25 570 patients au total, a montré pour la première fois une réduction de la mortalité liée à d'autres cancers. Le risque global de décès par cancer a été réduit de 21 p. 100 pendant la durée des essais. La réduction de la mortalité était déjà significative après cinq ans pour les cancers cérébraux et les cancers de l'œsophage, du pancréas et du poumon. Le délai de latence était plus long pour les cancers de l'estomac, du côlon et du rectum, et de la prostate. Mais le bénéfice persistait après l'arrêt des essais, la baisse de mortalité atteignant encore 20 p. 100 après vingt ans de suivi pour l'ensemble des cancers et 35 p. 100 pour les cancers gastro-intestinaux. Le bénéfice était indépendant de la dose d'aspirine, au-delà de 75 mg/j.

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Chantal GUÉNIOT. ASPIRINE ET CANCER [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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