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ASPIRINE ET CANCER

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Des réserves à lever avant d'envisager une prévention des cancers par l'aspirine

Les auteurs de l'éditorial qui accompagne la publication des résultats restent cependant prudents. Ils remarquent notamment que le Pr Rothwell a volontairement exclu de son analyse les deux plus grandes études de prévention jamais conduites – la Women Health Study (40 000 femmes) et la Physician Health Study (20 000 hommes) –, invoquant le fait que l'aspirine n’y était administrée qu’un jour sur deux. Après dix à douze ans de suivi, aucune réduction du risque de cancer n'était visible dans ces deux études, aussi bien pour l'incidence et la mortalité liées au cancer du côlon que pour celles de l'ensemble des cancers. Pour le Pr Rothwell, cette absence d'efficacité s'expliquerait par le fait que certains effets biologiques de l'aspirine se manifesteraient seulement en cas de prises quotidiennes.

L’autre reproche que l'on peut adresser à ces analyses est qu'elles concernent des études conçues pour évaluer les effets de l'aspirine sur les maladies cardio-vasculaires et non sur le cancer, d'où de nombreuses faiblesses méthodologiques. Par exemple, aucun examen n'était prévu pour dépister un cancer. Il est très probable que des personnes traitées par aspirine ont eu à subir des coloscopies en raison des saignements provoqués par ce médicament, ce qui a donné l'occasion de diagnostiquer et de traiter des lésions précancéreuses ou des cancers débutants. Une étude conçue spécialement pour évaluer les effets de l'aspirine sur le risque de cancer apporterait des arguments beaucoup plus solides. La Women Health Study et la Physician Health Study présentent cet avantage, mais ne permettent pas de conclure en raison des modalités particulières d'administration de l'aspirine. Enfin les analyses qui mêlent les résultats d'études disparates sont toujours critiquables du fait du manque d'homogénéité des données recueillies.

Ces réserves étant faites, les deux éditorialistes observent que les derniers travaux du Pr Rothwell sont un pas de plus vers un élargissement des indications de l'aspirine. L'optimisme que peuvent engendrer ces résultats doit être tempéré, toutefois, par la prise en compte des effets indésirables de l'aspirine. L'intérêt de ce médicament est, en effet, amoindri par une augmentation du risque d'hémorragies graves, du moins pendant les trois premières années du traitement, selon les données du Pr Rothwell. Il est indispensable, de ce fait, d'évaluer l'impact de l'aspirine sur la mortalité totale et non seulement sur celle liée au cancer. Parmi les cinquante et un essais de prévention primaire analysés par le Pr Rothwell, douze permettaient de préciser la mortalité générale. Dans ces essais, l'aspirine a réduit de 12 p. 100 la mortalité de cause non vasculaire, n’a pas diminué la mortalité de cause vasculaire, la résultante étant une réduction non significative de la mortalité globale.

Cette discussion arrive au moment où, dans le domaine de la prévention cardio-vasculaire, la crainte de réactions iatrogènes a conduit à quasiment abandonner l'idée de prescrire de l'aspirine en prévention primaire à des personnes ayant simplement des facteurs de risque coronarien. En effet, il est établi que, dans ce cas, le risque d'hémorragie liée au traitement dépasse les bénéfices que l'on peut en attendre. Actuellement, ce médicament est réservé à la prévention secondaire, c’est-à-dire aux patients ayant déjà été victimes d’un accident ischémique cardiaque ou cérébral. Il est possible que, de la même manière, l'aspirine ait une action favorable chez les personnes qui présentent un risque très élevé de cancer, et seulement chez celles-là. De nouvelles études sont nécessaires pour préciser qui peut tirer bénéfice[...]

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Chantal GUÉNIOT. ASPIRINE ET CANCER [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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