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GRIFFITH ARTHUR (1872-1922)

Fils d'une longue lignée d'imprimeurs, Arthur Griffith fut un redoutable journaliste de combat. Sa plume fit plus pour mettre fin à la présence britannique dans le sud de l'Irlande que toutes les révoltes nationalistes du xixe siècle finissant.

Jeune homme, il dévore les écrits des grands polémistes anti-anglais, participe activement à la renaissance littéraire irlandaise et au mouvement gaélique, côtoie les plus grands esprits de son temps : Maud Gonne, William Butler Yeats, James Connolly, Douglas Hyde. En 1897, il quitte brusquement l'Irlande pour le Transvaal où il prend fait et cause pour les Boers acculés à la guerre par l'impérialisme britannique. Après avoir exercé un peu tous les métiers, il regagne Dublin mûri par l'expérience et fermement décidé à réveiller l'ardeur assoupie de ses compatriotes. Avec son ami William Rooney il lance un journal, The United Irishman et commence de répandre une philosophie séparatiste inspirée des enseignements de l'économiste allemand Frederick List et du patriote hongrois Francis Deak. Le peuple irlandais, explique-t-il, peut arracher la mauvaise herbe de la colonisation à condition de ne compter que sur lui-même. Comment ? En boycottant — le mot et la chose n'ont-ils pas été forgés en Irlande ? — le gouvernement, le commerce et la finance britanniques ; en rendant inopérants par la résistance passive les lois et les règlements de ce pays ; en créant parallèlement des institutions nationales qui prendront la place des institutions coloniales contestées. De la sorte l'Irlande obtiendra inéluctablement son indépendance dans le cadre d'un système de « double monarchie » de type hongrois. En 1904, il publie sous le titre La Résurrection de la Hongrie un recueil d'articles qui connaît un vif succès. L'année suivante il fonde une organisation destinée à mettre en œuvre cette politique : le Sinn Fein (« Nous seuls »). Elle attire l'attention des intellectuels, des révolutionnaires et de nombreux nationalistes. Mais après quelques succès, elle connaît une certaine stagnation. Griffith est en butte à la répression tatillonne des autorités. Ses articles sont censurés, ses journaux interdits. Son obstination le dessert parfois aux yeux de ses meilleurs amis : en 1913 il condamne la grève générale de Dublin et se coupe de la classe populaire engagée dans le conflit. Mais ses idées sont de celles qui cheminent souterrainement. Et lorsqu'en 1916 éclate à Dublin une insurrection fomentée par une poignée de nationalistes extrémistes qui ne partagent nullement ses idées, on n'en parle pas moins de « rébellion Sinn Fein ». Jeté en prison bien qu'il n'ait pris aucune part à cette folle aventure, Griffith se solidarise avec les insurgés et les victimes de la répression maladroite qui fait suite à l'échec du soulèvement. Le Sinn Fein profite de l'équivoque et du ressentiment de l'Irlande nationale. Les adhésions affluent. Coup sur coup le Sinn Fein remporte trois élections partielles. Mais le mouvement fait peau neuve. Les partisans de la lutte armée supplantent peu à peu les avocats de la résistance passive tandis que l'influence des républicains relègue au magasin des accessoires les arguments favorables à la « double monarchie ». Signe des temps : en octobre 1917 Eamon De Valera devient président du Sinn Fein, Arthur Griffith conservant toutefois la vice-présidence. La crise de la conscription donne une impulsion formidable au Sinn Fein. Inquiet, le gouvernement fait arrêter Griffith, De Valera et un certain nombre de membres influents du Parti dans la nuit du 17 mai 1918. Le Sinn Fein fait aussitôt campagne pour Griffith à l'occasion d'une élection partielle dans le comté de Cavan. Le journaliste irlandais incarcéré est triomphalement élu. Simple avant-goût. Aux élections générales[...]

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Écrit par

  • : historien, docteur en droit, docteur honoris causa de la National University of Ireland et de l'université d'Ulster (Royaume-Uni)

Classification

Pour citer cet article

Pierre JOANNON. GRIFFITH ARTHUR (1872-1922) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COSGRAVE WILLIAM THOMAS (1880-1965)

    • Écrit par Universalis
    • 555 mots

    Homme d'État irlandais, né le 6 juin 1880 à Dublin, mort le 16 novembre 1965 à Dublin.

    William Thomas Cosgrave rejoint très tôt le Sinn Fein. Membre du conseil municipal de Dublin en 1909, il sera ensuite réélu sous la bannière du mouvement nationaliste. Il rejoint la milice nationaliste...

  • IRLANDE

    • Écrit par David GREENE, Pierre JOANNON
    • 16 195 mots
    • 8 médias
    ...connaît un vif succès, comme les écoles nationalistes fondées et dirigées par le poète Padraic Pearse. Il en va de même pour le Sinn Fein, créé en 1905 par Arthur Griffith à l'effet d'inciter les Irlandais à boycotter les institutions coloniales britanniques et à reprendre en main leur propre destin. La classe...
  • IRLANDE RÉPUBLIQUE D' (EIRE)

    • Écrit par Brigitte DUMORTIER, Universalis, Pierre JOANNON
    • 10 126 mots
    • 17 médias
    ...centaine de cadres du Sinn Fein et des Volontaires. Cette campagne d'intimidation ne sert qu'à conforter la position du Sinn Fein. Le fondateur du mouvement, Arthur Griffith, pourtant emprisonné, est élu triomphalement le 21 juin 1918 à une élection partielle. La fin de la guerre met un terme à la crise de la...

Voir aussi