MEILLET ANTOINE (1866-1936)
Linguiste français. Antoine Meillet étudie le sanskrit, les langues romanes, les langues slaves, l'irlandais, l'iranien, l'arménien (qu'il enseignera aux Langues orientales de 1902 à 1906). Après avoir suivi les cours de Ferdinand de Saussure à l'École pratique des hautes études, il lui succède en 1891 et y enseignera jusqu'en 1927. Il devient professeur au Collège de France en 1905. Son œuvre s'organise selon deux axes fondamentaux, la linguistique comparée (ou grammaire comparée, selon l'ancienne terminologie) et la linguistique générale.
Pour ce qui concerne la grammaire comparée, Meillet, soucieux de la plus grande exactitude, s'est toujours méfié des reconstitutions trop hâtives. Pour lui, les formes devaient être rapprochées « non pas une à une, mais système par système », c'est-à-dire qu'il estimait indispensable de réaliser des études synchroniques exhaustives des langues en jeu. La notion de système, qu'il devait à Saussure (l'ouvrage de Saussure qui le marqua le plus, et qu'il cite souvent, est le Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes, 1878), restera au centre de son œuvre, en particulier de son Introduction à l'étude comparative des langues indo-européennes (1903).
Pour ce qui concerne la linguistique générale, la pensée de Meillet est, encore aujourd'hui, pleine d'intérêt et de suggestions. S'il fallait la résumer d'un mot, c'est sans doute son attachement aux relations entre les langues et les faits sociaux qui la caractériserait. Qu'il travaille sur la période de bilinguisme en France à l'époque de l'invasion germanique ou sur la sémantique évolutive, tentant de voir comment et pourquoi les mots changent de sens, il fait toujours intervenir dans son analyse les rapports de forces entre communautés, les faits historiques, les situations sociales. La chose est d'autant plus importante qu'elle devient de plus en plus rare dans la linguistique contemporaine. D'un certain point de vue, Meillet offre des directions de travail fructueuses à qui voudrait élaborer une théorie linguistique inspirée du marxisme. On a longtemps parlé à son propos d'école sociologique française, ce qui n'est pas éloigné de la vérité. Il collabora longtemps, sur l'invitation de Durkheim, à L'Année sociologique, où il développa ses idées sur la langue comme fait social. Ses principales contributions dans ce domaine ont été regroupées dans les deux volumes de Linguistique historique et linguistique générale (1921 et 1936), dont la lecture reste importante encore aujourd'hui par les différents horizons qu'ils ouvrent et les différents types de réflexions qu'ils suggèrent.
Mais Meillet ne s'intéresse pas seulement à la linguistique comparée et à la linguistique générale ; il travailla sur l'ensemble des langues du monde, réfléchissant au problème de la typologie et dirigeant, avec Marcel Cohen et un groupe de linguistes, un volumineux ouvrage, Les Langues du monde (1924) ; bien que dépassé sur certains points par l'évolution de la linguistique descriptive moderne et par ce que nous savons aujourd'hui sur bon nombre de langues, celui-ci reste un incomparable outil de travail.
Savant aux publications renommées, Meillet, par sa personnalité et par son ascendant moral, se fit reconnaître comme chef d'école : les noms d'E. Benveniste, A. Martinet, M. Cohen, L. Hjelmslev suffisent à juger de cette influence. Et, même outre-Atlantique, un structuraliste comme Bloomfield se plut à reconnaître ce qu'il devait à Meillet, notamment dans le domaine syntaxique ; c'est dire le rayonnement de cette pensée vigoureuse.
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Écrit par
- Louis-Jean CALVET : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à la Sorbonne
Classification
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