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GROS ANTOINE JEAN baron (1771-1835)

Les parents de Gros étaient miniaturistes, et il fut grâce à eux introduit dans le milieu artistique parisien. Lui-même entra très jeune, en 1785, dans l'atelier de David, qui devait beaucoup plus tard, lors de son départ en exil, lui en confier la responsabilité. Après avoir concouru sans succès pour le grand prix de peinture (1792), il partit à ses frais pour l'Italie (1793) où il vécut plusieurs années. Il y fit en 1796 la connaissance de la future impératrice Joséphine, qui le mit en relation avec son mari et relança sa carrière tout en lui procurant, pour assurer sa subsistance, un emploi dans les armées ; c'est ainsi qu'il se familiarisa avec la vie militaire.

Gros revint en France en 1799, après un long séjour italien qui diffère sensiblement de celui, plus traditionnel, de ses contemporains. Il a en effet peu vécu à Rome, a surtout voyagé dans l'Italie du Nord, et a plus été marqué par les peintres modernes que par la découverte de l'Antiquité. Ses premières œuvres importantes reflètent cette particularité, que ce soit le vibrant portrait de Bonaparte au pont d'Arcole (1797, Musée national du château de Versailles ; esquisse au Louvre) ou l'audacieuse Sapho à Leucate (1801, musée Baron-Gérard, Bayeux), très proche dans son esprit de Girodet et des peintres préromantiques allemands et britanniques. Mais Gros se spécialisa très vite dans la représentation des épisodes militaires les plus marquants de l'épopée impériale. Après avoir remporté le concours ouvert en 1800 pour Le Combat de Nazareth (esquisse au musée des Beaux-Arts de Nantes), finalement abandonné, il obtint en compensation Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, qui triompha au Salon de 1804 (Louvre, Paris). Cet épisode savamment composé, dans le respect des principes traditionnels – unité d'action et expression des passions –, héroïse Bonaparte habilement assimilé par son geste aux rois de France.

<em>Sapho à Leucate</em>, A. J. Gros - crédits : Benoit Touchard/ RMN-Grand Palais

Sapho à Leucate, A. J. Gros

Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau, A. J. Gros - crédits : Universal History Archive/ Getty Images

Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau, A. J. Gros

Gros a donné là l'exemple d'une peinture d'histoire véritablement moderne, innovant surtout dans les effets de lumière et de coloris, servi en cela par la rutilance des costumes des militaires, des Turcs et des Arabes. Bien qu'il ne se soit rendu ni en Égypte ni en Palestine, il est avec Girodet un des promoteurs de l'orientalisme en France. Delacroix tira plus tard la leçon de cette œuvre capitale, notant dans l'article nécrologique qu'il consacra à Gros : « L'école française, accoutumée à la discipline de David et aux sujets puisés dans l'antique, s'étonnait de l'intérêt que cette action contemporaine empruntait à la seule fidélité de la représentation. » La Bataille d'Aboukir (1806, Musée national du château de Versailles), exploite la même veine, tout comme La Bataille des Pyramides (1810, ibid.). La Capitulation de Madrid (1810, ibid.) ou La Rencontre de Napoléon et de l'Empereur d'Autriche François II (1812, ibid.) sont moins originaux par leur sujet ; mais, avec Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau (1808, Louvre, Paris), Gros renouvela le succès des Pestiférés de Jaffa. L'Empereur y est montré compatissant aux malheurs de la guerre, prenant en pitié les Russes vaincus, ordonnant qu'ils soient secourus et soignés ; le paysage de neige dans lequel se déploient son état-major et sa suite ajoute au côté lugubre et dramatique de la scène, décrite dans une gamme colorée assourdie et avec un grand réalisme, des cadavres et des mourants aux chevaux et aux uniformes.

Placé second aux Prix décennaux de 1810, derrière Le Sacre de David, Gros pouvait à bon droit rivaliser avec lui. On lui confia en 1811 la décoration de la coupole du Panthéon, dont il devait modifier le programme iconographique en 1814-1815, au moment du retour des Bourbons, et qu'il acheva seulement en 1824. Il aurait pu revivifier ainsi la grande[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Barthélémy JOBERT. GROS ANTOINE JEAN baron (1771-1835) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Sapho à Leucate</em>, A. J. Gros - crédits : Benoit Touchard/ RMN-Grand Palais

Sapho à Leucate, A. J. Gros

Portrait équestre de Joachim Murat, roi de Naples, A. J. Gros - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait équestre de Joachim Murat, roi de Naples, A. J. Gros

Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau, A. J. Gros - crédits : Universal History Archive/ Getty Images

Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau, A. J. Gros

Autres références

  • NÉO-CLASSICISME, arts

    • Écrit par Mario PRAZ, Daniel RABREAU
    • 8 074 mots
    • 13 médias
    ...d'actualité qui compta plusieurs chefs-d'œuvre, tels Le Sacre de David, Les Pestiférés de Jaffa et Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau d' Antoine Jean Gros. Napoléon exigeait la précision des détails dans ce genre de tableaux ; la même précision fait le charme des portraits qui constituent...
  • ORIENTALISME, art et littérature

    • Écrit par Daniel-Henri PAGEAUX, Christine PELTRE
    • 10 996 mots
    • 8 médias
    ...emprunts vraisemblables. Nommé directeur du Muséum central des arts, Denon encourage cet élan par son attitude et son œuvre personnelle. Antoine Jean Gros (1771-1835) recourt aux planches ou aux objets que Denon a rapportés pour brosser de la campagne d'Égypte une fresque plausible dans l'esquisse de...

Voir aussi