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MATHIEZ ALBERT (1874-1932)

À l'École normale supérieure où il entre après son service militaire en 1894, Albert Mathiez se distingue par ses opinions « avancées » et il se proclame socialiste. C'est alors que se manifeste son caractère violent, accentué encore à la suite d'un accident survenu en 1896 où il perd l'œil gauche. C'est également à cette époque qu'il commence à se spécialiser dans l'histoire révolutionnaire. Il rédige un mémoire sur les journées des 5 et 6 octobre 1789 et Gabriel Monod, directeur de la Revue historique, le publie dans son périodique.

Alphonse Aulard, titulaire de la chaire d'histoire de la Révolution à la Sorbonne, l'oriente vers l'histoire religieuse de la Révolution et lui demande de traiter La Théophilanthropie et le culte décadaire sous le Directoire, publié en 1904. Mathiez continue ses recherches sur l'histoire religieuse de la Révolution, particulièrement importante à une époque où le gouvernement français rompait avec le Saint-Siège et établissait la séparation des Églises et de l'État.

Mais, en 1907, les recherches de Mathiez prennent une autre orientation : il s'intéresse à Robespierre, fonde avec quelques historiens et hommes politiques la Société des études robespierristes et publie une revue, les Annales révolutionnaires (devenues Annales historiques de la Révolution française en 1924). Cette revue allait concurrencer celle que dirigeait Aulard, La Révolution française. C'est aussitôt la brouille entre Aulard et Mathiez. Le premier apparaît désormais comme le défenseur de Danton, le second comme le champion de Robespierre. Jusqu'en 1919, la polémique entre les deux historiens se cristallise autour de ce thème. Mathiez avait été nommé, en novembre 1911, professeur à la faculté des lettres de Besançon. Il la quitta pour celle de Dijon en novembre 1919. Sous l'influence de la guerre, et sans doute aussi après avoir lu l'Histoire socialiste de la Révolution française de Jaurès, il modifie sensiblement ses conceptions historiques et s'intéresse de plus en plus à l'histoire économique et sociale de la Révolution. Il exprimera ses idées nouvelles dans La Vie chère et le mouvement social sous la Terreur, publié seulement en 1927, mais qui marquait une étape importante pour les recherches d'histoire révolutionnaire. Dès 1922, toutefois, il publiait le premier volume d'une grande synthèse sur La Révolution française, le deuxième étant publié en 1924, le troisième en 1927. La Réaction thermidorienne, qui lui faisait suite, parut dans un autre format en 1929 ; la première partie, la seule rédigée, du Directoire fut publiée après sa mort par Jacques Godechot en 1934. C'est dans ce grand ouvrage que Mathiez exprime le plus complètement ses idées, fort influencées par le matérialisme historique, mais encore très sensibles à l'histoire des événements.

Candidat à la succession d'Aulard à la Sorbonne en 1922, il se voit préférer Philippe Sagnac. Mais celui-ci étant parti en mission au Caire en 1926, Mathiez vient le suppléer. Dès lors, il ne quitte plus Paris, où il meurt d'une hémorragie cérébrale en février 1932, en faisant son cours dans l'amphithéâtre Michelet.

Albert Mathiez a exercé une grande influence sur l'historiographie de la Révolution, non seulement en réhabilitant Robespierre, mais en y introduisant la méthodologie marxiste. Il a toutefois enseigné trop peu de temps à la Sorbonne pour avoir eu beaucoup d'élèves ; la plupart de ceux qui avaient entrepris une thèse sous sa direction l'ont poursuivie sous celle d'un de ses successeurs, Georges Lefebvre. Beaucoup de ceux qui le déclarent aujourd'hui dépassé s'inspirent encore de ses travaux. Et la lecture des grands livres de Mathiez, « ardent historien d'une ardente histoire » et écrivain[...]

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Écrit par

  • : doyen de la faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse

Classification

Pour citer cet article

Jacques GODECHOT. MATHIEZ ALBERT (1874-1932) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AULARD ALPHONSE (1849-1928)

    • Écrit par Guillaume MAZEAU
    • 1 302 mots
    ...particulier dantonistes (Danton en 1884, mais aussi Les Grands Orateurs de la Révolution, en 1914). Formant de nombreux élèves, de l’historien socialiste Albert Mathiez (qui s’en séparera en 1908, lui reprochant son modérantisme) au spécialiste des relations internationales Pierre Renouvin, Aulard marque...
  • LEFEBVRE GEORGES (1874-1959)

    • Écrit par Guillaume MAZEAU
    • 1 276 mots
    ...Halphen et Philippe Sagnac, une partie du tome portant sur la Révolution. Deux ans plus tard, il préside la Société des études robespierristes et prend la direction des Annales historiques de la Révolution française, revue associée à la Société et fondée par Albert Mathiez, qui vient de mourir.
  • RÉVOLUTION FRANÇAISE

    • Écrit par Jean-Clément MARTIN, Marc THIVOLET
    • 29 554 mots
    • 3 médias
    ...Révolution dans le cours de l'histoire universelle, mais lui assigne une vocation pragmatique à l'intention des prolétaires désireux de prendre le pouvoir. La critique de gauche au sein de l'Université est incarnée par Albert Mathiez (La Révolution française, 1922-1927), qui joint à sa lutte personnelle...

Voir aussi