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KING ALBERT (1923 ou 1924-1992)

Tandis qu'à partir du début des années 1960 le blues connaît une forte éclipse auprès des communautés noires américaines au profit d'autres formes de chanson populaire, Albert King est un des seuls bluesmen à s'imposer dans les hit-parades de musique noire, pénétrés de soul puis de disco. De son vrai nom Albert Nelson, ce géant taciturne tirant sur une éternelle pipe et semblant écraser entre ses mains une guitare électrique Gibson Flying V est né dans le Mississippi (à Indianola ou à Itta Bena, le 25 avril 1923 ou 1924) et a d'abord travaillé comme conducteur de tracteur dans une plantation. Il joue de la batterie dans les tavernes rurales, apprend assez tard la guitare sous l'influence d'Elmore James et de Robert Nighthawk, et prétend bientôt être le demi-frère de B. B. King ! Vers 1950, il est à Gary, dans l'Indiana, où il travaille dans une aciérie tout en fréquentant la très active scène locale du blues.

En 1953, Albert King fait des débuts discographiques peu remarqués et de facture très campagnarde chez le label Chess. C'est en s'installant à Saint Louis (Missouri) qu'il acquiert véritablement son style propre. Musicalement, la ville est dominée par des orchestres de jazz auxquels Albert King s'intègre remarquablement. Il pratique alors un style de guitare électrique simple mais fluide, plein de vibratos et d'effets de glissandos, qui se marie parfaitement avec des sections rythmiques étoffées et des riffs de cuivres. Son chant conserve la rudesse de son Delta natal mais adopte aussi l'approche urbaine d'un Big Joe Turner. Il enregistre abondamment dans cette manière, connaît un succès local avec Don't Throw Your Love on Me So Strong (1961), ce qui attire l'attention de Stax, label de Memphis spécialisé dans la soul sudiste, mais à la recherche d'un bluesman ouvert aux sonorités contemporaines et qui plairait à un public noir sudiste toujours friand de blues.

C'est chez Stax et à Memphis qu'Albert King, accompagné de certains des meilleurs musiciens de studio de l'époque (Steve Cropper et Booker T. Jones), donne la pleine mesure de son talent. Il réussit à vendre des disques à la clientèle noire (Laundromat Blues, Crosscut Saw, As the Years Go Passing By), tout en séduisant parallèlement aussi le public blanc américain et international grâce à sa prestation au Fillmore West, le temple du rock de San Francisco, en 1968 (immortalisée sur l'album Live Wire/Blues Power, Stax). Dès lors, des superstars du rock vont lui rendre de nombreux hommages : Eric Clapton, Jeff Beck, Jimmy Page... Sur le plan artistique, la période Stax d'Albert King est particulièrement impressionnante avec une série d'albums remarquables : King of the Blues Guitar (Atlantic), Years Gone By (Stax) et surtout I'll Play the Blues for You (Stax) et I Wanna Get Funky (Stax), au feeling fantastique, qui émergent au-dessus du lot ; ces deux albums comptent en fait parmi les meilleurs disques de blues des années 1970.

Après la faillite inattendue de Stax en 1974, Albert King continue à enregistrer pour d'autres labels comme Tomato mais ne retrouve plus la même réussite artistique et commerciale. Il lui faudra attendre dix ans de plus et le coup de pouce de Gary Moore, un guitariste de hard rock reconverti au blues, pour qu'il revienne au premier plan. Jusqu'à sa mort, le 21 décembre 1992, à Memphis, Albert King continuera à se produire sur les scènes du monde entier, façonnant sa stature de géant du blues moderne auprès d'un public nouveau et de plus en plus jeune.

— Gérard HERZHAFT

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Gérard HERZHAFT. KING ALBERT (1923 ou 1924-1992) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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