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LOOS ADOLF (1870-1933)

La théorie du Raumplan

« Je ne conçois pas de plan, de façades ou de vues en coupe, je conçois des espaces », écrit Adolf Loos. Toutes les réalisations de l'architecte visent en effet à donner une place primordiale à des espaces conçus en fonction des besoins humains. Loos définit cette idée, extrêmement moderne pour l'époque, par sa théorie du Raumplan (« plan d'espace »).

En 1910, sur la Michaelerplatz à Vienne, Adolf Loos réalise sa première maison de commerce et d'habitation pour le tailleur pour homme Goldman & Salatsch. Ce bâtiment, où il met en pratique la doctrine prônée dans son célèbre essai Ornement et crime (Ornament und Verbrechen, 1908), provoque un vrai scandale. En effet, la façade affiche une simplicité et une pureté allant dans la partie supérieure jusqu'à un dépouillement total. Le bâtiment est nu, sans artifice, et ne sacrifie pas au mensonge des apparences décoratives. L'immeuble est surnommé « la maison sans sourcils » et Loos doit consentir à la pose de jardinières pour finalement obtenir l'achèvement des travaux. L'architecte a pourtant veillé, selon ses propres dires, à l'harmonie entre le bâtiment et son environnement, et notamment au respect de l'équilibre par rapport à l'une des entrées lourdement décorée du palais impérial se trouvant juste en face. L'élégance de la façade prouve en effet ses liens avec la tradition : un crépi blanc couvre une structure en béton armé et le rez-de-chaussée est incrusté de marbres somptueux et colorés.

Influencé par les bâtiments d'Henri Sauvage, Loos conçoit en 1910 un grand magasin à Alexandrie (Égypte), resté à l'état de projet, avec les derniers étages en gradins. Il réitère ce principe de construction en gradins à Vienne en 1912-1913 pour la villa de la famille Scheu. Juste après la Première Guerre mondiale, Loos édifie d'autres maisons pour la bourgeoisie viennoise et praguoise. En 1927-1928, il construit la maison Moller, la plus aboutie de ses villas viennoises par son purisme architectural. Un cube blanc présente sur la rue une façade rigide et symétrique alors que la façade donnant sur le jardin se montre plus ouverte et gaie. Seuls les murs extérieurs et un pilier central font office d'éléments porteurs. Grâce à cette construction, Loos réalise pleinement le Raumplan, une manière de penser l'architecture en termes d'espaces conçus selon leur fonction, qu'il avait déjà timidement employée pour la maison de la Michaelerplatz. Le Raumplan désigne une composition, une disposition et une hauteur des pièces qui varient selon leur emploi. La mise en scène intérieure des volumes est en rapport avec les besoins de l'homme, soumise à l'expérience humaine des espaces. Ainsi les garde-robes et salles à manger sont plus intimes – moins larges et moins hautes – que les salons et les vestibules. Les façades blanches et simples ne laissent pas présager les systèmes complexes et intimes des espaces intérieurs, souvent très colorés et exécutés avec des matériaux de luxe (marbre, bois, bronze, tissu...). La Villa Müller, construite pour l'entrepreneur František Müller à Prague entre 1928 et 1930, est une autre maison représentative de ce concept. Elle influencera durablement un certain nombre d'architectes, tels Mendelsohn et Schindler.

Toute la subtilité du Raumplan s'inscrit aussi dans la villa de montagne de la famille Khuner (1930, Kreuzberg, Autriche). L'élément central de la maison est le généreux hall à deux étages autour duquel s'agencent la salle à manger, la cuisine, le fumoir et les chambres d'amis. Au premier étage se trouvent les chambres et la salle de bains. Loos respecte la construction alpine en bois sur un sous-sol en pierre de moellons, mais les volets donnent le ton moderne et cosmopolite ; ce sont des éléments coulissants[...]

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Classification

Pour citer cet article

Harald R. STÜHLINGER. LOOS ADOLF (1870-1933) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Café Griensteidl, R. Völkel - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Café Griensteidl, R. Völkel

Autres références

  • DESIGN

    • Écrit par Christine COLIN
    • 8 028 mots
    • 1 média
    Le fameux essai Ornement et crime écrit par l'architecte autrichien Adolf Loos en 1908, véhiculé par l'aphorisme « l'ornement est un crime », ponctue l'histoire du design du xxe siècle, tout en trahissant en grande partie la complexité de la pensée de l'auteur lui-même....
  • DESIGN ET CRIME (H. Foster)

    • Écrit par Christine COLIN
    • 1 111 mots

    L'article « Design & Crime » trouve place dans l'ouvrage éponyme qui réunit huit textes (2002, trad. franç. 2008) du théoricien de l'art Hal Foster. Le critique américain fait ici référence à l’essai Ornement et Crime publié par l'architecte autrichien Adolf Loos en...

  • L'HISTOIRE VÉGÉTALISÉE. ORNEMENT ET POLITIQUE À ROME (G. Sauron) - Fiche de lecture

    • Écrit par Pierre GROS
    • 1 000 mots

    Dans le monde submergé d'images vulgairement utilitaires où nous évoluons, nous éprouvons quelque difficulté à admettre que, en d'autres temps, l'œuvre ornementale a assumé une fonction essentielle dans la transmission des messages politiques et religieux. Quand il s'agit de décor architectural,...

  • NEUTRA RICHARD (1892-1970)

    • Écrit par Philippe BOUDON
    • 1 981 mots
    ...l'architecture d'Otto Wagner qui tendait alors à épurer cet art de toute surcharge ornementale et à rechercher la beauté dans les simples proportions. Adolf Loos, l'auteur du fameux article Crime et ornement, eut sur lui une grande influence par la suite et l'engagea sur la voie d'une architecture...
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Voir aussi