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ABRAHAM A SANCTA CLARA JOHANN ULRICH MEGERLE dit (1644-1709)

Prédicateur populaire de l'Autriche baroque, Abraham a Sancta Clara fut aussi un grand moraliste. Apprécié pour son éloquence et sa verve caustique, il est resté célèbre pour ses effets de style.

Son vrai nom est Johann Ulrich Megerle. Né en 1644 à Kreeheinstetten dans le pays de Bade, il mourut à Vienne en 1709. D'origine modeste, il fit une carrière brillante et accéda aux plus hautes dignités ecclésiastiques. Après des débuts à l'école latine de Messkirch, il fréquenta successivement le collège des jésuites d'Ingolstadt, puis l'université bénédictine de Salzbourg. En 1662, il entra comme novice au couvent des augustins déchaussés de Mariabrunn, près de Vienne, et reçut la consécration ecclésiastique en 1668. À partir de 1672 — à l'exception d'un séjour à Graz (1683-1688) et de trois voyages à Rome (1686, 1689, 1692), il resta jusqu'à sa mort à Vienne, dans la maison mère de son ordre, où il assura différentes charges, se partageant entre l'administration et la prédication. Nommé en 1677 prédicateur de cour par l'empereur Léopold Ier, il fut élu successivement prieur (1680), puis provincial (1690), et obtint en 1692 le titre de definitor provincialis.

Malgré ces nombreuses charges ecclésiastiques, Abraham a Sancta Clara fut d'une étonnante productivité. De son vivant, une soixantaine d'ouvrages ont été publiés. Tout d'abord de nombreux sermons, regroupés en 1684 avec d'autres de ses écrits, dans un recueil fameux intitulé Reimb dich/oder ich liss dich. Les deux plus importants sont Mercks Wien qui se réfère à la grande peste de 1679 et Auf, auf ihr Christen, appel aux chrétiens composé à l'occasion de la dernière poussée du péril turc en 1683. Schiller s'inspirera plus tard du pathos de ce texte pour son fameux « Sermon du capucin » dans Le Camp de Wallenstein.

Après ces œuvres d'actualité, Abraham a Sancta Clara se consacre à la peinture des mœurs de son époque. Sa production de moraliste, polémique et satirique, touche aux genres les plus divers. À côté du roman Judas, der Erzschelm, son ouvrage principal publié en quatre parties, on trouve également des ars moriendi, des satires sociales, des galeries de portraits, ainsi que plusieurs « Miroirs des fols ». Dernier représentant d'une longue tradition, celle de l'éloquence de chaire satirique héritée de l'humanisme alsacien (Geiler, Murner), Abraham a Sancta Clara est considéré comme le plus grand publiciste de langue allemande entre Luther et Görres. Le réduire à un phénomène stylistique serait cependant méconnaître sa spécificité et sa grandeur : il est également, à l'époque baroque, le plus grand écrivain allemand en prose après Grimmelshausen. Ses jeux de langage, son discours constamment entremêlé d'images, sa tendance aux digressions, l'accumulation des métaphores, toute cette enflure évoque les arabesques de l'art rococo. L'essentiel n'est pas la logique de la phrase, mais le trait d'esprit. Cependant Abraham a Sancta Clara ne fait pas de la virtuosité un usage gratuit : il s'en sert pour édifier sans ennuyer, espérant ainsi « amener au bien ce monde impie et dissolu », selon les mots de sa Préface à Judas. Les apparences conservatrices des œuvres d'Abraham a Sancta Clara cachent souvent des prises de position polémiques contre la société de son temps, en particulier contre le matérialisme régnant. Leur ton d'exhortation pressante exprime un appel à l'homme, dont certains accents semblent annoncer le siècle des Lumières. Ajoutons que Heidegger, né à Messkirch, s'est intéressé à cette figure du baroque allemand.

— Hélène FEYDY

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Écrit par

  • : agrégée d'allemand, maître de conférences à l'université Paris-IV

Classification

Pour citer cet article

Hélène FEYDY. ABRAHAM A SANCTA CLARA JOHANN ULRICH MEGERLE dit (1644-1709) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AUTRICHE

    • Écrit par Roger BAUER, Jean BÉRENGER, Annie DELOBEZ, Universalis, Christophe GAUCHON, Félix KREISSLER, Paul PASTEUR
    • 34 125 mots
    • 21 médias
    ...romanciers « baroques » allemands après Grimmelshausen (originaire de Haute-Autriche, il fit carrière dans le Nord protestant), et celui du moine augustin Abraham a Sancta Clara (de son nom véritable Ulrich Megerle, 1646-1709), originaire de l'Autriche « antérieure » alémanique, prédicateur de la cour mais...

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