Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TRAITÉ DE L'ŒCONOMIE POLITIQUE, Antoine de Montchrestien Fiche de lecture

L'« œconomie politique » désigne la science aristotélicienne des richesses domestiques (du grec oïkos, « maisonnée », et nomos, « gouvernement »), appliquée au gouvernement du royaume. Le Traité de l'œconomie politique d'Antoine de Montchrestien (1576 env.-1621) marque le premier usage public de l'expression d'économie politique. Pièce importante de la tradition mercantiliste française, l'ouvrage se présente comme une adresse au jeune roi Louis XIII et à la reine mère sur la situation des finances de la France et les moyens d'enrichir le royaume. L'apostrophe qui ouvre le texte du Traité est claire : « Ceux qui sont appelés au gouvernement des États doivent en avoir la gloire, l'augmentation et l'enrichissement pour leur principal but. » Elle inscrit Montchrestien dans la lignée des premiers auteurs mercantilistes – Barthélemy Laffemas et Jean Bodin en France, John Hales et Thomas Mun en Angleterre –, pour qui l'ordre social suppose un État fort et des sujets prospères.

L'économie au service du Prince

Le Traité s'organise autour de trois grands axes analytiques : la définition de la richesse, la nécessité affirmée d'une intervention régulatrice de l'État et la théorie du commerce international.

« Il n'est de richesse que d'hommes », lançait Jean Bodin dans La République (1576). Montchrestien pousse l'argument jusqu'à inverser la relation de causalité qui, chez Aristote, donne la préséance au politique sur l'économique : la richesse du royaume dépend du volume de son activité de production et de son activité d'échange, qui dépendent à leur tour de la taille de sa population. Parmi les activités de production, l'agriculture et l'élevage sont désignées comme les premières sources de richesse, suivies des activités d'artisanat et d'industrie et, plus original pour l'époque, du commerce, chargé d'organiser l'échange et ainsi de permettre aux biens de circuler. La fonction est centrale : elle permet au commerce d'échapper au seul domaine économique. C'est par l'échange que chacun trouve son « profit particulier », c'est par « l'émulation » que les productions « peuvent monter à la perfection », que les arts sont facilités, que les travaux sont « mieux ordonnés » : en un mot, l'échange et la « concurrence d'industrie » constituent le noyau d'un lien social fondamental.

De là découlent les deux fonctions principales attribuées par Montchrestien à l'État : réglementer le commerce, dont les lois reviennent aux directeurs de la police, chargés de « donner ordre que les choses à vendre se vendent au plus juste prix » ; et réglementer l'activité de production, en incitant à la création de manufactures publiques, en contrôlant la valeur professionnelle des artisans et en édictant des normes de qualité pour les produits.

L'État apparaît ainsi comme le garant des activités d'échange, nationales et internationales. Et c'est là le troisième grand thème du Traité, lui aussi hérité de Bodin : le parallèle entre la guerre et le commerce. « Nous faisons autant de pertes que l'étranger fait des gains » : toute activité de commerce suppose un gagnant et un perdant. Là où les classiques étendront les bienfaits de la division du travail à l'échange international pour y déceler un jeu à somme positive, Montchrestien voit dans l'échange entre nations un jeu à somme nulle. Il condamne donc l'importation de biens qui pourraient être produits par l'économie domestique, en y voyant une source de perte de devises, qui affaiblirait d'autant le niveau des recettes du royaume. À l'inverse, il prône l'exportation de biens manufacturés en échange de métaux précieux, en vue d'enrichir le royaume à hauteur de l'affaiblissement[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, directeur du D.E.A. d'épistémologie économique

Classification

Pour citer cet article

Annie L. COT. TRAITÉ DE L'ŒCONOMIE POLITIQUE, Antoine de Montchrestien - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COLONIALISME & ANTICOLONIALISME

    • Écrit par Jean BRUHAT
    • 6 503 mots
    • 2 médias
    ...On ne renonce pas aux motivations d'hier (l'apostolat), mais on y ajoute les besoins du commerce. C'est ce qu'écrit Antoine de Montchrestien dans son Traité de l'économie politique (1615), où il associe les deux préoccupations : « comme Dieu lui même promet à ceux qui cherchent son royaume d'y...
  • ÉCONOMIE (Définition et nature) - Enseignement de l'économie

    • Écrit par Jean-Marc DANIEL
    • 5 551 mots
    ...connu en France le statut qu'elle a acquis dans le monde anglo-saxon, même si l'expression « économie politique » a reçu son sens moderne d'un Français, Antoine de Montchrestien. C'est, en effet, en intitulant en 1615 un texte adressé au roi Louis XIII « Traité d'économie politique » que ce gentilhomme...
  • FRANÇAIS EMPIRE COLONIAL

    • Écrit par Jean BRUHAT
    • 16 688 mots
    • 19 médias
    ...l'avocat Marc Lescarbot écrit : « La plus belle mine que je sache, c'est du blé et du vin avec la nourriture du bétail ; qui a ceci a de l'argent. » En 1615, dans son Traité de l'économie politique, Montchrestien a développé ses arguments en faveur de l'expansion coloniale : la gloire, le développement...
  • MONTCHRESTIEN ANTOINE DE (1576 env.-1621)

    • Écrit par Jean MEYER
    • 494 mots

    Fils d'un apothicaire, Montchrestien se fait connaître, dès 1596, en faisant jouer sa tragédieLa Carthaginoise ou la liberté à Rouen. En 1601, il publie un livre de tragédies (L'Écossaise ou le désastre, Les Lacènes ou la constance, David ou l'adultère, etc.). En 1605 paraît...

Voir aussi