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ALLEMAND THÉÂTRE

Alors que l'Allemagne a refait son unité par intégration de l'ex-RDA à la RFA, il y a lieu de revoir l'évolution séparée des théâtres ouest-allemand et est-allemand depuis 1945, afin de mieux apprécier leur divergence passée ainsi que leur conjonction présente. Quel fonds commun « germano-allemand » permet d'avancer qu'une telle conjonction n'a rien d'artificiel ? Il apparaît en fait que, des deux côtés du Mur, le meilleur du théâtre a contribué à maintenir en éveil une conscience démocratique, fortement mutilée par une histoire désastreuse.

Le théâtre revendique en Allemagne une responsabilité dans la constitution d'une identité collective depuis l'apparition, dans la seconde moitié du xviiie siècle, d'entreprises ou de fondations portant le nom de « Nationaltheater ». Celles-ci traduisent en partie, dans un pays féodal très morcelé, où chaque principauté entretient son petit théâtre de cour, les aspirations d'une bourgeoisie en formation, cherchant à se donner une expression culturelle à défaut d'une expression politique. De son côté, la définition schillérienne du théâtre comme « institution morale » implique un aspect civique, dont témoigne l'appel de Don Carlos à la « liberté de penser ». En 1918, quand de la Première Guerre mondiale émerge la première République allemande, dite de Weimar, la scène s'ouvre aux promesses d'un changement de société. Elle connaît – avec son agrandissement aux dimensions de l'histoire en train de se faire chez Piscator, avec la dramaturgie épique de Brecht, le Zeitstück (pièce d'actualité), le Volksstück (comédie populaire) revu dans un sens critique par Marieluise Fleisser et Odön von Horvath – une radicalisation politique, accentuée par l'offensive du mouvement prolétarien-révolutionnaire et de ses pratiques d'agitation. En réaction, le nazisme, parvenu au pouvoir en 1933, chasse les partisans les plus résolus d'un théâtre progressiste, ou simplement moderniste. Viennent les années de plomb, jusqu'à l'effondrement du nazisme douze ans plus tard.

Le théâtre en RFA

Le réseau théâtral

En 1945, dans la partie occidentale qui va devenir en 1949 la RFA, la vie théâtrale reprend immédiatement ses droits, en conformité avec la tradition historique accordant la prépondérance aux théâtres publics : théâtres à répertoire entretenant une troupe permanente – qu'ils soient « de municipalité » (Stadttheater) comme c'est majoritairement le cas, ou « d'États » (Staatstheater, à savoir les Länder souverains en matière de culture), tandis que la confédération proprement dite (le Bund) ne verse qu'une infime partie des subventions. En général, il s'agit de théâtres « à trois branches » (Dreispartentheater), intégrant l'opéra, le ballet et la comédie dans un même complexe, sous la direction d'un « intendant » (terme d'origine féodale) nommé par les autorités responsables, et qui assume souvent aussi les fonctions de metteur en scène « régisseur », à moins qu'il ne les délègue à d'autres. Vu de France, le système théâtral ouest-allemand étonne par l'importance de ses moyens (encore que les trois quarts des subventions couvrent juste les frais de personnel) et par sa décentralisation rôdée depuis longtemps. À côté de ces théâtres publics existent des théâtres privés en nombre plus restreint, dont la définition inclut également une part de subventions, tandis que les théâtres « libres », qui se sont développés après 1968, ne peuvent être financés que sur projets, à la différence des théâtres « off », privés de ce soutien et de ce fait particulièrement éphémères. La situation avantageuse des théâtres publics comporte ses inconvénients : le contrôle s'exerçant à partir de pouvoirs proches tel que celui des municipalités entraîne un risque de[...]

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Pour citer cet article

Philippe IVERNEL. ALLEMAND THÉÂTRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Günter Grass - crédits : Gérard Aime/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Günter Grass

Bertolt Brecht - crédits :  Fred Stein Archive/ Archive Photos/ Getty Images

Bertolt Brecht

Autres références

  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

    • Écrit par Nicole BARY, Claude DAVID, Claude LECOUTEUX, Étienne MAZINGUE, Claude PORCELL
    • 24 585 mots
    • 29 médias
    La littérature dramatique, exclue des deux pôles extrêmes que constituent l'opéra de cour (musique et spectacle) et la scène des troupes ambulantes (farce et mime), se partage pour l'essentiel entre la production néo-latine des jésuites, qui sert le projet pédagogique, religieux et politique de la Société,...
  • AUTRICHE

    • Écrit par Roger BAUER, Jean BÉRENGER, Annie DELOBEZ, Universalis, Christophe GAUCHON, Félix KREISSLER, Paul PASTEUR
    • 34 125 mots
    • 21 médias
    Le théâtre populaire baroque continue à prospérer ; jusqu'au début du xixe siècle, la technique de l'improvisation est toujours pratiquée. Le dernier Kasperle, Johann La Roche, ne meurt qu'en 1806. Une évolution est à noter cependant : Philipp Haffner (1731-1764) combine l'ancienne...
  • BARLACH ERNST (1870-1938)

    • Écrit par Pierre VAISSE
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    Sculpteur, graveur et dramaturge allemand, Ernst Barlach est un des plus célèbres représentants de ce que l'on a appelé l'expressionnisme allemand. Originaire du Holstein, il étudia à l'École des arts décoratifs de Hambourg et à l'Académie de Dresde. À Paris, où il séjourne à deux...

  • BENJAMIN WALTER (1892-1940)

    • Écrit par Philippe IVERNEL
    • 2 747 mots
    • 1 média
    ...mettant fin à l'âge du mythe, c'est-à-dire à la non-histoire, règne des dieux jaloux exigeant le sacrifice des générations successives ; de l'autre côté, le Trauerspiel, le drame baroque allemand, à la lettre jeu triste, jeu funèbre, en fait un non-drame, puisque toute action humaine s'y trouve dévaluée...
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