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STEINBERG SAUL (1914-1999)

La gloire américaine

À l'évidence, les albums de Steinberg évoquent sa vision très personnelle de l'Amérique : The New World (1965) devait ainsi s'intituler « Confessions ». Avec Le Masque (1966), produit d'une collaboration avec la photographe Inge Morath entre 1959 et 1962, Steinberg montre la vérité factice dont chacun s'affuble pour afficher un bonheur conforme. The Inspector (1973), dont le titre de travail était « Homework », accompagne une exposition à la galerie Maeght à Paris. Deux ouvrages en édition limitée Dal vero (1983) et Canal Street (1990) précèdent son dernier album d'importance, La Découverte de l'Amérique (1992). Steinberg y interroge une fois encore « la vision de la réalité américaine née de l'imaginaire de Manhattan » évoquant son célèbre motif en couverture du New Yorker (29 mars 1976) où le regard embrassait tout le pays depuis la Neuvième Avenue jusqu'à la Russie et la Chine. Progressivement, et le fait est assez exceptionnel, Steinberg est passé du statut d'illustrateur et d'humoriste à celui d'artiste tout en poursuivant sa collaboration avec The New Yorker. Conservant ses originaux, il vend les droits de reproduction de ses œuvres pour se garder de toute dépendance du monde commercial de l'art. Sa notoriété s'accompagne de distinctions honorifiques : chevalier des arts et lettres en France en 1966, éminence en art graphique décernée par The National Institut of Arts and Letters aux États-Unis en 1974 et docteur honoris causa de l'université Harvard en 1976. Une grande rétrospective lui est consacrée en 1978 au Whitney Museum of American Art, accompagnée d'un catalogue et d'une étude de son ami l'historien d'art Harold Rosenberg. Très tôt, l'originalité graphique de Steinberg a suscité un vif engouement du public, mais aussi l'admiration, en France, des dessinateurs d'humour après la Seconde Guerre mondiale. André François, Mose, Maurice Henry et bien d'autres ont apprécié la virtuosité étonnante du dessinateur dont les œuvres, à mi-chemin de l'écriture et du graphisme, forcent l'attention et rendent superflue toute légende. Ce type de gag fondé sur les jeux avec la matérialité plastique des formes expressives, l'exploitation des signifiants et des synesthésies du langage et de l'écriture ont en outre intrigué essayistes et historiens d'art tel Ernst H. Gombrich dès les années 1960. En France, l'œuvre de Steinberg a donné lieu à divers essais : après Michel Butor (Préface de Le Masque, 1966) et Hubert Damisch (« Tables d'évidences », in Derrière le miroir, no 205, 1973), Roland Barthes (All Except You, 1983) s'est exercé à repérer les concepts les plus significatifs de l'œuvre : cachets, labyrinthes, antithèses, empreintes digitales, rébus, anamorphoses... Une approche structuraliste pour qualifier un art conceptuel.

Steinberg est mort le 12 mai 1999 à New York. Une fondation a été créée par décision testamentaire qui a pour objectif de faciliter l'étude de l'œuvre et sa contribution à l'art du xxe siècle. Le dépôt des archives de l'artiste à la bibliothèque de l'université Yale a favorisé la publication de Steinberg at The New Yorker par Joel Smith en 2005, ainsi qu'une importante rétrospective inaugurée en décembre 2006 à The Morgan Library and Museum de New York, et qui a fait escale à Paris à la Fondation Henri Cartier-Bresson en 2008.

— Nelly FEUERHAHN

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Pour citer cet article

Nelly FEUERHAHN. STEINBERG SAUL (1914-1999) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Les arts plastiques

    • Écrit par François BRUNET, Éric de CHASSEY, Universalis, Erik VERHAGEN
    • 13 464 mots
    • 22 médias
    SaulSteinberg, l'illustrateur attitré de l'hebdomadaire The New Yorker, propose pour sa couverture de l'édition du 19 mai 1962 une allégorie des Beaux-Arts au cœur de laquelle un aigle symbolisant l'école de New York prend appui, à défaut de la piétiner, sur une guitare censée représenter...
  • SATIRIQUE DESSIN

    • Écrit par Gilbert LASCAULT
    • 2 900 mots
    Les recherches de l'Américain Saul Steinberg ont une autre orientation. Il travaille les codes graphiques, met en doute nos manières de lire une image, il trouble ainsi nos habitudes de percevoir. Dans The Labyrinth, les aventures d'une ligne horizontale obligent à une véritable gymnastique de l'esprit...

Voir aussi