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NATIONALISME

La thématique nationaliste

À travers l'expression de tout nationalisme, et quelle que soit la diversité des formulations doctrinales, il semble permis de constater l'existence d'un fonds idéologique commun, organisé autour de quatre thèmes principaux : souveraineté, unité, passé historique et prétention à l'universalité.

Le thème de la souveraineté ne peut évidemment manquer d'être fondamental dans l'idéologie des nationalismes des peuples assujettis luttant pour leur indépendance, puisqu'une telle acquisition, consacrant leur droit à la libre disposition d'eux-mêmes, constitue précisément l'objectif suprême de leur combat. Mais l'État-nation étant constitué, le thème de la souveraineté – souveraineté à affirmer, à défendre, voire à étendre – n'en reste pas moins décisif. De là l'importance primordiale accordée à tous les attributs de cette prérogative dans le domaine du droit international. De là aussi la place qu'occupent ses symboles dans toutes les manifestations sentimentales du nationalisme : le drapeau, l'hymne national. À la limite, il apparaît que l'adhésion d'une collectivité à la foi nationaliste est susceptible de se mesurer au degré d'attachement de cette collectivité à la notion d'État-souverain : le nationalisme naît avec la volonté de conquête de la souveraineté ; il s'amenuise en même temps que fléchit la volonté d'en conserver la plénitude.

Non moins nécessairement, tout nationalisme sera unitaire. Il n'est aucun des nationalismes européens ou extra-européens du xixe et du xxe siècle où ne se trouve exprimée la volonté de défendre et de renforcer la cohésion du groupe national. Sur tous les plans, ethnique, social, politique, administratif, linguistique ou parfois religieux, se manifeste la même tendance à lutter contre le particularisme, à réduire les dissidences, à supprimer les germes d'antagonismes internes. Ainsi tout nationalisme penche-t-il, plus ou moins explicitement et plus ou moins fortement, vers l'établissement d'un certain totalitarisme moral et idéologique ; il supporte mal la pluralité des options, des fidélités ou des appartenances, ou plutôt il ne les supporte que lorsque celles-ci s'harmonisent avec les institutions et les principes, admis par tous, qui fondent l'unité nationale.

En troisième lieu, toute prise de conscience nationaliste est aussi, et obligatoirement, prise de conscience des valeurs léguées par l'histoire. C'est à partir de la revendication à l'autonomie d'une culture héritée d'un long et glorieux passé, à partir de titres transmis par l'histoire que les théoriciens des mouvements nationalitaires du xixe siècle se sont efforcés de légitimer la revendication de l'indépendance nationale. De même, c'est un effort considérable de reconstitution historique qui se trouve lié à la naissance et à l'essor contemporain des nationalismes africains et asiatiques. On ne peut enfin négliger la place décisive que n'a jamais cessé de tenir l'enseignement de l'histoire dans l'entretien ou l'exaltation de toute mystique nationale. Les grands mythes collectifs du nationalisme se nourrissent de cet enseignement. Le culte des héros nationaux, la célébration des dates prestigieuses du passé national, les légendaires nés et entretenus à partir de ce passé servent à mesurer le plus facilement le degré de ferveur de tout nationalisme et à définir le plus clairement la coloration sentimentale et idéologique qui lui est propre.

Enfin, de l'exaltation du passé national, le passage semble par ailleurs inévitable à l'affirmation de la valeur universelle de la civilisation nationale. Il n'est guère de nationalisme, en effet, qui ne porte en lui la conviction que les richesses morales,[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut d'études politiques de Paris

Classification

Pour citer cet article

Raoul GIRARDET. NATIONALISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACTION FRANÇAISE

    • Écrit par Universalis, Jean TOUCHARD
    • 5 156 mots
    • 2 médias
    ...qu'il a réalisé, avec toutes les apparences de la rigueur la plus absolue (« Il est, écrivait-il, des vérités que tout établit, que rien ne dément. »), l'amalgame de deux tendances jusqu'alors bien distinctes et même longtemps opposées : le traditionalisme contre-révolutionnaire et lenationalisme.
  • AFFAIRE DREYFUS

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 249 mots
    • 1 média

    Passé en conseil de guerre en 1894 pour intelligence avec l'Allemagne, le capitaine Dreyfus est condamné grâce à de fausses preuves. Lorsque celles-ci sont découvertes, la défense d'Alfred Dreyfus s'organise. C'est « J'accuse », l'article du romancier Émile...

  • AFRIQUE (Histoire) - De l'entrée dans l'histoire à la période contemporaine

    • Écrit par Hubert DESCHAMPS, Jean DEVISSE, Henri MÉDARD
    • 9 654 mots
    • 6 médias
    ...supplémentaire compte. L'Afrique occidentale française (AOF) envoie 135 000 hommes en Europe au cours de la Première Guerre mondiale : les tirailleurs sénégalais. Le coût de l'affrontement entre les nationalismes européens est très élevé pour l'Afrique. Mais la conquête et la domination coloniale sont également...
  • AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations

    • Écrit par Marc MICHEL
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