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DIEU MORT DE

La théologie de la mort de Dieu est née dans des cercles protestants d'Allemagne et d'Amérique du Nord. Ses principaux représentants sont : Thomas J. J. Altizer, de l'université d'Emory ; Paul M. Van Buren, de l'université de Temple ; William Hamilton, du séminaire théologique de Colgate-Rochester ; Herbert Braun, de l'université de Mayence. On peut citer également, bien que son intention soit très différente, Gabriel Vahanian, de l'université de Syracuse (N.Y.). Et l'on peut mentionner comme inspirateurs — à des degrés variables — Dietrich Bonhoeffer, Paul Tillich, William Blake, sans négliger les ancêtres que se reconnaissent les « théologiens radicaux » : Hegel, Nietzsche, Wittgenstein.

Au premier abord, cette théologie athée semble jouer sur les mots. « Dieu est mort », proclamait Nietzsche : ce qui invitait chacun à le tuer pour son compte. Ici, au contraire, « Dieu est mort en Jésus-Christ » : sa mort est celle de l'idée de Dieu, car rien ne s'oppose davantage au concept de Dieu souverain que l'impuissance du Tout-Puissant qui meurt. En conséquence, la religion théiste doit disparaître (au besoin, on montre, avec les ressources du positivisme logique et de l'analyse du langage, que le sujet Dieu ne peut entrer dans une proposition sensée) ; il faut lui substituer une théologie conséquente de l'Incarnation, avec une foi sans mythes. Pratiquement, l'éthique chrétienne, la vie pour la justice, à la limite l'engagement révolutionnaire sont la réalité du Dieu vécu, incarné, du Dieu qui « se vide » dans l'immanence de l'histoire (thème de la kénose, du dépouillement), quand l'histoire devient un combat pour une société fraternelle. On retrouve l'intuition mosaïque et prophétique : Dieu est sans visage, sans image ; il n'est que le règne de la justice et de l'amour. Au sein d'une culture sécularisée, la religion est morte ; mais la foi qui change le monde reste possible.

— Henry DUMÉRY

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Henry DUMÉRY. DIEU MORT DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DIEU - L'affirmation de Dieu

    • Écrit par Claude GEFFRÉ
    • 7 962 mots
    Leur limite est d'entretenir une équivoque sur le mot « Dieu » et donc sur sa mort. On confond la mort du Dieu-concept, d'un Dieu dont on fait la clé de voûte du cosmos et d'une certaine rationalité, avec la mort du Dieu vivant en Jésus-Christ. L'aboutissement logique d'une telle théologie, c'est...
  • EXISTENCE PHILOSOPHIES DE L'

    • Écrit par Jean WAHL
    • 6 166 mots
    • 3 médias
    Au centre de la philosophie de l'existence apparaît l'idée de la mort de Dieu. Mais cette idée est susceptible de multiples significations. Quand Hegel parle du Dieu mort, il cite ce passage de Pascal : « La nature est telle qu'elle marque partout un Dieu perdu et dans l'homme et hors de l'homme. »...
  • LE GAI SAVOIR, Friedrich Nietzsche - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 810 mots
    ...fondamentalement artistique de la connaissance créatrice, impérieuse et impérative, destructrice de toute idole, capable de se transformer en « gai savoir ». Conjointement à cette affirmation esthétique de la connaissance, le très célèbre aphorisme 125 (L'Insensé) est porteur d'une annonce difficile...
  • SHOAH LITTÉRATURE DE LA

    • Écrit par Rachel ERTEL
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