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CRÉPUSCULAIRES LES

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En 1910, le critique italien Giuseppe Antonio Borgese a qualifié, non sans ironie, de « crépusculaire » la poésie d'un groupe de jeunes écrivains de son pays qui n'avaient « qu'une émotion à chanter : la trouble et limoneuse mélancolie de n'avoir rien à dire ni à faire ». Après avoir brillé de tout son éclat avec Carducci, Pascoli et D'Annunzio, la poésie semblait, en effet, s'être tout à coup éteinte en Italie au début du xxe siècle, comme si la célèbre triade n'avait laissé que des cendres derrière elle. En vérité, c'est d'abord du crépuscule de ces trois astres qu'il s'agit, de la baisse de leur crédit auprès des générations nouvelles, celles des enfants du siècle qui, parvenus à l'âge de la révolte, ont brûlé ce qu'ils avaient adoré.

La révolte d'une génération

Les « crépusculaires » se sont retournés contre leurs aînés parce que ceux-ci n'avaient pas tenu leurs promesses ; ils s'en sont pris à la tradition littéraire que ces aînés représentaient encore dans les années où eux-mêmes commençaient à écrire. Mais, auparavant, ils avaient tous rencontré l'esthétisme d'Andrea Sperelli, le héros du Piacere (L'Enfant de volupté, 1889). « Je ne pouvais rien admettre au-delà du dannunzianisme qui ne fût mesquin ou un peu gauche », avouera Marino Moretti. Pour avoir trop lu le Poème de Paradis (1893), ils se sont faits humbles devant la réalité. Las de la rhétorique de Carducci et de ses coups de trompette épique, ils ont ramené la poésie à de meilleurs sentiments, plus simples et plus familiers. Il n'y a guère que le Fanciullino de Pascoli qui, finalement, ait trouvé grâce à leurs yeux, car ils ont tous eu, plus ou moins, « l'âme puérile » comme Civinini. Ces adolescents n'eurent pas le temps de parvenir à l'âge adulte, soit qu'ils fussent malades de consomption à en mourir, comme Guido Gozzano, Sergio Corazzini ou Giulio Giannelli, soit qu'ils fussent « malades, comme il convient, d'on ne sait trop quoi », comme Marino Moretti, ou Corrado Govoni qui avouera plus tard : « À cette époque, qui ne se sentait pas un peu candidat à l'étisie et ne flirtait pas avec elle ? »

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Écrit par

  • : professeur de langue et littérature italiennes à l'université de Dijon

Classification

Pour citer cet article

Norbert JONARD. CRÉPUSCULAIRES LES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Francis Jammes - crédits : Kluger & Szigethy/ ullstein bild/ Getty Images

Francis Jammes

Autres références

  • CORAZZINI SERGIO (1887-1907)

    • Écrit par
    • 306 mots

    Né à Rome, Sergio Corazzini y vit dans la pauvreté les vingt années de sa brève existence. À quinze ans, quand paraissent dans quelques revues romaines ses premières brèves compositions, phtisique, il sait qu'à force de « mourir un peu chaque jour » il va vraiment mourir et, à dix-neuf ans, avant de...

  • GOVONI CORRADO (1884-1965)

    • Écrit par
    • 346 mots

    Né près de Ferrare de souche paysanne, ce chantre inlassable de la plaine du Pô quitte sa terre vers la trentaine pour faire à Milan puis à Rome, où il est mort, les métiers les plus divers, en même temps qu'il écrit nouvelles, romans, pièces de théâtre, anthologies. Govoni poursuit surtout de façon...

  • GOZZANO GUIDO (1883-1916)

    • Écrit par
    • 403 mots

    Poète piémontais, né et mort à Turin, Guido Gozzano semble avoir deux faces ; mais seul le Gozzano des poèmes « crépusculaires » s'est imposé, éclipsant l'autre, l'auteur de textes en prose (récits de voyage comme Verso la cuna del mondo, 1917 ; nouvelles ; et même contes...

  • MORETTI MARINO (1885-1979)

    • Écrit par
    • 199 mots

    Ayant d'abord abandonné les études classiques pour suivre des cours d'art dramatique à Florence, Moretti choisit enfin de se vouer totalement à la littérature. En 1910, il publie son recueil de poèmes, Poésies écrites au crayon (Poesie scritte col lapis), où l'influence de Pascoli...