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LEFÈVRE D'ÉTAPLES JACQUES (1450 env.-1537)

Philosophe, mathématicien et théologien, Lefèvre d'Étaples fut l'une des figures les plus fortes du début du xvie siècle. Après des études en France, en Italie et sans doute dans divers pays, il se fixe à Paris.

Ses premiers ouvrages concernent la philosophie d'Aristote, qu'il veut débarrasser des erreurs, surcharges ou réductions que lui a apportées la tradition scolastique. Il reprend les traductions partielles ou complètes données par Boèce, Bessarion et l'Arétin, et commente les textes, souvent avec une grande acuité, parfois aussi avec une grande naïveté. Sans doute le goût des chiffres et l'arithmologie tiennent-ils chez lui une place qu'un moderne juge outrancière ; reste que, de la Physique aux Politiques en passant par la Logique, le texte d'Aristote se retrouve nettoyé et difficilement utilisable dans le sens où l'avait pris jusqu'alors la tradition thomiste. Ce travail énorme accomplit ce que Rabelais définit comme : « débarrasser des gloses tant sales », c'est-à-dire ce qui caractérise la Renaissance.

En même temps, vers 1508, Lefèvre se consacre plus directement à la théologie et en particulier à la Bible. Il donne en 1509 un psautier en cinq langues, osant employer une technique philologique pour étudier un texte biblique. Il poursuit dans cette voie en étudiant les Épîtres de Paul (1512), dont on sait qu'elles ont constitué un des terrains de bataille pour la Réforme en général et pour Luther en particulier (« la foi et les œuvres » ou « la foi seule » comme voie de salut).

Les commentaires qu'il publie sont téméraires en temps d'Inquisition, notamment ceux qui concernent des prescriptions liturgiques dont on ne trouve pas mention dans les Écritures ; mais, pour l'essentiel, ils respectent les dogmes. En 1521, il donne un commentaire des quatre Évangiles et, à la suite d'une condamnation en Sorbonne (hérésie), il se réfugie auprès de son élève Briçonnet, évêque de Meaux. Il y entreprend de traduire la Bible en français et ne se contente pas pour cela de la Vulgate, mais compare les textes en trois langues. Le travail, achevé en 1534, repris par Olivetan et publié en 1535, fut la première Bible en langue vulgaire et servit de base à toutes les traductions françaises, modernes comprises.

Lefèvre se retire ensuite auprès de Marguerite de Navarre, à Nérac, pour se mettre à l'abri des accusations d'hérésie qui le menacent. On ne peut pourtant le taxer de protestantisme, bien que ses commentaires sur le célibat des prêtres, les jeûnes et les sacrements soient extrêmement sévères et préparent la voie réformée ; le terme d'évangélisme qu'on a proposé récemment semble en revanche convenir à cette attitude de fidélité absolue à l'esprit et à la lettre des Écritures. La reine de Navarre, Marguerite, fut très influencée par cette pensée ; elle en donne des exemples, en particulier dans ses comédies profanes et ses poèmes.

— Jean-Yves POUILLOUX

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé des lettres classiques, maître de conférences en littérature française à l'université de Paris-VII

Classification

Pour citer cet article

Jean-Yves POUILLOUX. LEFÈVRE D'ÉTAPLES JACQUES (1450 env.-1537) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BRIÇONNET GUILLAUME (1472 env.-1534)

    • Écrit par Jean-Yves POUILLOUX
    • 436 mots

    Ecclésiastique qui se trouva jouer un rôle important dans les questions religieuses du début du xvie siècle (les relations entre le pouvoir royal et la papauté, les querelles autour de l'humanisme et de la Réforme), Guillaume Briçonnet, évêque de Lodève en 1504, abbé de Saint-Germain-des-Prés...

  • HERMÉTISME

    • Écrit par Sylvain MATTON
    • 4 971 mots
    • 1 média
    En 1505, Lefèvre d'Étaples publia la traduction ficinienne du Pimandre avec l'Asclepius, auquel il joignit un commentaire où il se montre sensible à la valeur apologétique des Hermetica ; mais, préoccupé d'orthodoxie, il condamne certains de leurs aspects magiques. Il inclut dans le même...
  • HUMANISME

    • Écrit par André GODIN, Jean-Claude MARGOLIN
    • 11 423 mots
    • 2 médias
    .... Même ceux d'entre eux qui ne sont pas désignés par le vocable d'humanistes chrétiens – comme Thomas More, Colet, Ximénès, Vives, Lefèvre d'Etaples, Érasme, Sadolet ou Wimpheling – admettent sans peine que l'étude des lettres et la fréquentation des grands auteurs du passé ont une...

Voir aussi