GRAMMATICALITÉ
Une bonne grammaire doit être capable de « projeter le corpus fini et toujours plus ou moins aléatoire des énoncés observés sur l'ensemble, qu'on présuppose infini, des phrases grammaticales », écrit N. Chomsky (Structures syntaxiques). Ce passage de l'induction à la projection ne peut se faire qu'au moyen d'un appareil hypothético-déductif qui concerne la grammaticalité. On se gardera de confondre cette dernière avec la notion normative de correction, et encore plus avec celle de fréquence statistique, mais on la réservera à l'ensemble des lois qui régissent la compétence des sujets parlants. Si l'on se rappelle, en effet, que celle-ci est forcément dissociée de la production actualisée des phrases, on n'aura aucun mal à admettre que le corpus est, par définition, un matériau soit insuffisant (dans la mesure où il représente la performance, avec ce qu'elle comporte de déviations stylistiques, volontaires ou non), soit conditionné par avance et de façon implicite de manière qu'en soient exclues les productions que tout le monde serait unanime à rejeter. C'est sur les deux fronts qu'a dû se battre la grammaire générative, se voyant parfois reprocher l'élaboration d'un modèle abstrait et conçu en laboratoire, essuyant parfois l'objection d'engendrer des structures non recevables en stricte normativité, mais appréciées par la fantaisie de l'informateur. Quoi qu'il en soit, et malgré les inévitables imperfections qui entachent nécessairement une théorie relative à des ensembles non finis, on doit à la notion de grammaticalité l'immense avantage d'avoir nettement clarifié ce que l'on pouvait attendre d'une grammaire, et plus soigneusement défini, à l'écart d'un empirisme insatisfaisant, le concept formel de langage.
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Écrit par
- Robert SCTRICK : assistant à l'université de Paris-X
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