AGRAMMATICALITÉ
Une phrase est réputée agrammaticale lorsqu'elle est incompatible avec les schèmes qui régissent la structure et le fonctionnement de la langue où elle est émise.
En raison des différents niveaux où l'on peut se placer pour apprécier la manière dont un code est violé par une production de parole, il faut soigneusement distinguer des concepts qui lui sont voisins la notion, souvent fort opératoire, de grammaticalité. Ainsi, il se peut qu'une phrase non recevable pour un informateur (locuteur natif) soit simplement inacceptable, dans la mesure où elle présente un degré de complexité globale qui en rend difficile le déchiffrage (exemple : « Le piéton que la voiture que l'homme qui était sourd conduisait a renversé est mort »), ou gauche, dans la mesure où on pourrait y introduire un ordre plus naturel (exemple : « La porte a été ouverte par eux »). Dans ces deux derniers cas, les réticences de l'informateur, peu susceptibles d'être formalisées en règles universelles, dépendent moins du code que de la stylistique du message, c'est-à-dire de ce que la théorie transformationnelle dénomme performance. Il en va de même d'une phrase asémantique, qui peut être rejetée eu égard à son absence de contenu signifié : « De vertes idées incolores dorment furieusement » (Chomsky) est contradictoire si l'on prend les termes deux à deux et, au total, absurde ; mais qu'en est-il de sa grammaticalité ? La phrase : « La licorne a le pied fourchu », en comparaison, est-elle une phrase plus ou moins recevable ? La linguistique, qui, à ce niveau, ne se prononce pas sur la validité des jugements émis, considère que des phrases de ce type, dans la mesure où elles répondent aux exigences structurelles de la cohésion syntaxique, sont grammaticales. Il est donc possible de dresser une table des degrés (relatifs) d'agrammaticalité, si l'on exclut, d'une part, les « paquets de mots », aisément identifiables dans la mesure où ils ne sont pas susceptibles d'être engendrés par la grammaire d'une langue (le corpus « Belle marquise... » dans Molière en fournit quelques exemples), et, de l'autre, les jugements dont la valeur de vérité tombe sous la juridiction de la logique (« Le roi de France est chauve » : vrai ou faux ?). On aurait alors, selon cette table : la violation du code syntaxique, plus ou moins profonde selon que la transgression affecte une règle de réécriture de bas ou de haut niveau, ou encore une transformation obligatoire ; la violation des compatibilités sémantiques entre éléments ; la violation des règles de la performance (contexte et situation) et la violation des conditions de la communication.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Robert SCTRICK : assistant à l'université de Paris-X
Classification
Autres références
-
GRAMMATICALITÉ
- Écrit par Robert SCTRICK
- 317 mots
Une bonne grammaire doit être capable de « projeter le corpus fini et toujours plus ou moins aléatoire des énoncés observés sur l'ensemble, qu'on présuppose infini, des phrases grammaticales », écrit N. Chomsky (Structures syntaxiques). Ce passage de l'induction à la projection...