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MUSULMAN DROIT

On ne peut comprendre les tensions qui traversent les sociétés musulmanes au début du xxie siècle sans prendre en compte l'imbrication d'éléments hérités du passé et de nouvelles formes de pensée politique et juridique en Islam. L'histoire de la colonisation, puis de la décolonisation, la guerre froide, la transition démographique et la mondialisation ont eu des effets considérables sur les sociétés, sur les structures juridiques et sur la pensée politique du monde musulman. Après la décomposition des grands empires – au xviiie siècle pour l'empire safavide (Iran) et l'Empire moghol (Inde, Pakistan) ; à l'issue de la Première Guerre mondiale pour l'Empire ottoman –, après l'intermède des empires coloniaux français, britannique et italien, le monde musulman a été marqué par la naissance d'États modernes. À partir des années 1980 cependant, il a connu une forme nouvelle de remise en cause du cadre national, avant tout caractérisé par la diffusion d'une doxa juridique simpliste, d'origine wahhabite, qui prétend se substituer aux cadres traditionnels.

Destruction d'un mausolée à Tombouctou, en juillet 2012 - crédits : STR/ AFP

Destruction d'un mausolée à Tombouctou, en juillet 2012

En effet, le fiqh (droit musulman), en étroite relation avec la théologie, joue un rôle fondamental en Islam. Les profondes mutations qui ont affecté les courants théologiques et politiques ces deux derniers siècles ont donc aussi ébranlé les grandes écoles juridiques musulmanes traditionnelles qui se sont construites durant les premiers siècles de l'Hégire, en fixant le droit musulman : l'école hanafite (du nom de son fondateur présumé Abu Hanifa [700 env.-767]), l' école malikite (du nom de Malik ibn Anas [env. 715-795]), l' école shafiite (du nom d'al-Shafii [767-820]), et l' école hanbalite (du nom d'ibn Hanbal [780-855]). Cette dernière, est plus connue aujourd'hui sous l'appellation de wahhabite, du nom d'ibn Abd al-Wahhab (1703-1792), un réformateur du xviiie siècle. Elle inspire de nombreux mouvements réformistes musulmans qui, depuis le xixe siècle, veulent refonder l'Umma (la communauté des croyants) sur le modèle de l'islam des premiers califes, ou « pieux ancêtres », les salaf. L'influence de ce « salafisme », qui veut débarrasser l'islam, parfois violemment, de tout ce qui ne lui semble pas conforme à la lettre coranique, ne doit pas faire oublier le substrat théologique et juridique sur lequel il tente d'imposer son influence. Sa conception de la Loi divine (sharia) concurrence en effet directement celle des grandes écoles juridiques traditionnelles.

Structures traditionnelles de l'Islam

Les écoles juridiques musulmanes

Dans le cadre impérial qui prévaut jusqu'au début du xixe siècle, le droit musulman est territorialisé. Chaque grande aire obéit à un droit régional spécifique : le malikisme au Maghreb et en Afrique subsaharienne, le hanafisme dans l'Empire ottoman, le shafiisme sur les rivages orientaux de l'Afrique, autour de l'océan Indien et en Asie du Sud-Est, le hanbalisme, très minoritaire, dans certaines zones du Proche-Orient et de la péninsule arabique. Ces quatre grandes écoles juridiques de l'islam sunnite correspondent chacune à des courants théologiques particuliers.

Le hanbalisme constitue un courant théologique spécifique, fondamentaliste et rigoriste. Il a plusieurs traits communs avec certains mouvements protestants du christianisme. Il promeut une approche littérale du texte coranique, qu'il prend au pied de la lettre, en refuse toute interprétation allégorique, et ne se préoccupe pas des nombreuses contradictions qu'il contient : seule l'ignorance et la faiblesse de l'esprit humain les perçoivent comme des contradictions et leur interprétation est laissée à la toute-puissance divine. De nombreux juristes et théoriciens ont enrichi le hanbalisme, Taqi al-din Ahmad [...]

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Pour citer cet article

Pascal BURESI. MUSULMAN DROIT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

La mosquée Faysal, à Islamabad (Pakistan) - crédits : T. Kauroff/ Shutterstock

La mosquée Faysal, à Islamabad (Pakistan)

Destruction d'un mausolée à Tombouctou, en juillet 2012 - crédits : STR/ AFP

Destruction d'un mausolée à Tombouctou, en juillet 2012

Autres références

  • ABŪ HANĪFA (700 env.-767)

    • Écrit par Zafar Ishaq ANSARI
    • 728 mots

    Juriste et théologien musulman, Abū Hanīfa an-Nu'mān ibn Thābit est le fondateur de la doctrine hanafite du droit musulman, système d'interprétation reconnu comme l'une des quatre principales écoles du droit canonique de l'islam. Le droit hanafite jouit d'un grand prestige, et la plupart...

  • ADOPTION

    • Écrit par Pierre MURAT
    • 8 894 mots
    ...recueil légal d'un enfant par une famille qui n'est pas celle d'origine, mais qui s'engage à élever et à éduquer l'enfant comme elle le ferait du sien : c'est la kafala. L'institution est plus proche de la tutelle ou de la délégation de l'autorité parentale que de l'adoption, même simple, si bien...
  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
    • 37 316 mots
    • 19 médias
    ...vite, les réseaux des madrasas locales se mobilisent autour de ce jeune chef charismatique, grièvement blessé durant la guerre contre les Soviétiques. L'appel à la stricte application de la charia paraît une garantie de rétablissement de la loi et de l'ordre pour une population lassée de la guerre civile...
  • ARABIE SAOUDITE

    • Écrit par Philippe DROZ-VINCENT, Universalis, Ghassan SALAMÉ
    • 25 169 mots
    • 10 médias
    ...ont donc été des attaques contre des dômes, des arbres, des cimetières, auxquels les habitants du Najd attachaient quelque valeur magique. Par ailleurs, le mouvement se singularise vite par une application littérale des hudud (sanctions) : lapidation effective des femmes adultères ou encore ablation de...
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