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DOLCE STIL NOVO

Formule devenue traditionnelle en histoire littéraire, l'appellation dolce stil novo, qui recouvre la plus riche et la plus subtile production lyrique amoureuse du Moyen Âge européen, ne désigne à proprement parler ni une école ni un courant entièrement homogène. Elle s'applique à un certain nombre de poètes toscans de la fin du xiiie et du début du xive siècle qui, par leur adhésion à une conception de l'amour chargée de philosophie religieuse ou profane, et la recherche d'une expression non moins harmonieuse que dense, ont ouvert la voie par laquelle, de Pétrarque aux grands lyriques du xixe siècle, s'accréditera une vision tout ensemble sublime et élégiaque de la passion amoureuse.

Le « doux style nouveau »

L'expression dolce stil novo, « doux style nouveau », provient d'un passage de La Divine Comédie (« Purgatoire », xxiv, 49-63) où Dante imagine sa rencontre avec un poète de la génération qui précède la sienne, Bonagiunta de Lucques. Sollicité de dire s'il est bien celui qui donna naissance à la poésie nouvelle par la chanson de la Vita novadont le vers initial est « Dames qui avez l'intelligence d'amour », Dante répond à Bonagiunta qu'il est pour sa part un poète qui, lorsque l'Amour l'inspire, enregistre fidèlement ses paroles et les « signifie » telles qu'il les a reçues. Sur quoi son interlocuteur reconnaît que les versificateurs de son temps ne faisaient pas de même, et que là réside toute la différence entre la poésie lyrique d'hier et celle d'aujourd'hui. C'est à cet instant que Bonagiunta parle du dolce stil novo ch'io odo, « le doux style nouveau que j'entends ».

La formule s'applique donc en premier lieu à la seconde phase de la poésie lyrique de Dante, à laquelle répondent les vers des vingt-quatre derniers chapitres de la Vita nova, une large part des Rime, et des chansons « doctrinales » incluses dans le Convivio. Mais l'histoire littéraire l'a étendue à plusieurs poètes contemporains de Dante entre lesquels circulent bon nombre d'idées communes, et qui offrent de sensibles parentés d'ordre thématique ou stylistique. Ces parentés, jointes au fait que plusieurs d'entre eux entretinrent des relations suivies, ont engendré l'image historique d'une sorte de « pléiade » toscane réunie a posteriori sous l'étiquette dolce stil novo. Une tradition unanime y fait entrer, aux côtés de Dante, Guido Cavalcanti, Lapo Gianni, Gianni Alfani, Cino da Pistoia, Dino Frescobaldi, tandis que d'autres poètes tels que Chiaro Davanzati, Dante da Maiano, Guido Orlandi, Rustico di Filippo n'y sont admis que par certains critiques ou pour une part de leur œuvre seulement. Enfin, au témoignage de Dante lui-même (« Purgatoire », xxvi, 91-114), le père de ce dolce stil qu'il allait rendre novo serait le Bolonais Guido Guinizelli, auteur en particulier d'une « chanson d'amour » considérée comme la diane d'une poésie amoureuse savante, harmonieuse et affinée.

Ainsi s'établit, au jugement de Dante, une périodisation en trois temps : celui des poètes comme Bonagiunta, Guittone d'Arezzo, Jacopo da Lentini, dont le « style » n'était ni « doux » ni « nouveau », celui de Guinizelli, père du « style doux », enfin celui de la génération présente qui apporte sa « nouveauté » au « style » hérité de Guinizelli. Que signifient au juste ces distinctions ?

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

Classification

Pour citer cet article

Paul RENUCCI. DOLCE STIL NOVO [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BEMBO PIETRO (1474-1547)

    • Écrit par Universalis, Paul RENUCCI
    • 1 784 mots
    ...néo-platonicien (M. Ficin), mais aussi des vues qui dérivent à la fois d'une certaine interprétation de la poésie de Pétrarque et de la spiritualité amoureuse du Dolce Stil Novo. Bembo ne s'y attarde pas moins, çà et là, à décrire avec complaisance les charmes du corps féminin. L'intérêt des Asolani...
  • CAVALCANTI GUIDO (1255 env.-1300)

    • Écrit par Claude MINOT
    • 515 mots

    Poète du dolce stil novo appelé par Dante « le premier de mes amis », Cavalcanti naît à Florence d'une noble famille guelfe. Il se mêle aux luttes politiques qui divisent alors la ville, prenant le parti des blancs ; il est exilé à Sarzana en 1300. Malade, on l'autorise à revenir à Florence où il...

  • CINO DA PISTOIA (1270-1336)

    • Écrit par Claude MINOT
    • 347 mots

    Né à Pistoia, de famille noble, après des études de droit à Bologne et à Orléans, Guittoncino de' Sighibuldi da Pistoia devient juge à Pistoia et enseigne (le droit) dans plusieurs universités : Sienne, Pérouse et Naples. Gibelin, il est exilé dans sa jeunesse pour des raisons politiques, mais il...

  • DANTE ALIGHIERI (1265-1321)

    • Écrit par Paul RENUCCI
    • 5 410 mots
    • 2 médias
    ...[qu'il dit] à la louange de [sa] dame ». Aussi prend-il le parti de se vouer à cette louange et inaugure-t-il, par la première chanson incluse dans la Vita nova (chap. xix),ce « doux style nouveau » qu'il revendiquera un jour comme point de départ de la poésie lyrique de toute sa génération.
  • Afficher les 9 références

Voir aussi