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CHANSONS, Arnaut Daniel Fiche de lecture

Du troubadour Arnaut Daniel, « gentilhomme de Ribérac » (comme le dit Aragon dans La Leçon de Ribérac ou l'Europe française) et né vers 1150-1160, ont été conservées peu de choses : un sirventès (poème satirique) obscène, seize cansos (chansons d'amour) et une « sextine », forme très complexe dont il est l'inventeur. Un ensemble d'une extrême exigence poétique qui lui a valu d'être salué par Dante comme celui qui « du parler maternel fut meilleur maître » (Purgatoire, XXVI, 117) et d'être également loué par Pétrarque (Triomphes, IV, 42) pour sa « parole étrange et belle ». Alors que, à partir de 1150 environ, Bernart de Ventadour s'impose comme le représentant par excellence de la fin'amor, principe moteur de l'éthique courtoise, et le meilleur représentant du trobar leu, une poésie qui vise avant tout à la transparence et recherche une fluidité harmonieuse du vers, Arnaut Daniel, comme son prédécesseur Raimbaut d'Orange et son contemporain Giraut de Bornelh, s'inscrit dans la tradition du trobar ric, une forme plus précieuse, et porte à son niveau d'excellence ce courant majeur de la lyrique occitane.

Chanter la joie d'amour

Comme l'a très justement rappelé Martin de Riquer, plus qu'un poète hermétique, un adepte du trobar clus, Arnaut Daniel est un poète obsédé par les recherches formelles. Il a moins cherché à renouveler les thèmes du trobar qu'à créer un nouveau langage poétique, à donner une résonance inouïe à des mots et à des motifs déjà bien banalisés lorsqu'il compose son œuvre. De la topique courtoise, Arnaut exploite en effet toutes les ressources. Nombre de ses cansos s'ouvrent sur le motif classique de la « reverdie » (chant d'allégresse célébrant le verdure et le printemps), célèbrent la beauté, la valeur et le « prix » de la dame aimée, exaltent à la fois la joie d'aimer (le terme occitan est joy) et l'infinie douleur qui torture un être qui ne pourra jamais assouvir son désir : « Je suis Arnaut, qui amasse le vent, qui chasse le lièvre avec le bœuf et qui nage contre le courant », conclut la canso En cest sonet coind'e leri (« Sur cette mélodie de grâce et d'allégresse »). Ou comme le dira Dante lorsque, pour rendre hommage au poète, il empruntera son « provençal », Ieu sui Arnaut, que plor e vau cantan (« Je suis Arnaut, qui pleure et va chantant », Purgatoire, XXVI, 142). Mais cette canso, comme c'est bien souvent le cas dans les poésies d'Arnaut, est aussi un art poétique : inspiré par le chant des oiseaux, le poète est celui qui « travaille et lime des mots recherchés avec l'art d'Amour » afin d'offrir à la dame comme preuve de cet amour, selon la canso Doutz brais e critz, « une chanson d'un si beau travail qu'il n'y ait mot faux ni rime sans réponse (rim'estranpa) ».

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Pour citer cet article

Emmanuèle BAUMGARTNER. CHANSONS, Arnaut Daniel - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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