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CONTRAT

L'institution juridique

Le droit contractuel est le système des prescriptions qui concilient les aspirations de la liberté avec les impératifs de la justice. Les époques libérales le conçoivent normalement comme n'étant que supplétif des volontés privées qui peuvent y déroger, sous réserve de règles – peu nombreuses – touchant aux intérêts sociaux essentiels ; le droit de notre temps est davantage impératif, l'État traçant lui-même les voies qui conduisent à la justice, telle qu'il l'imagine.

Les liens contractuels

Dans une perspective individualiste, le lien contractuel paraît présenter, naturellement, deux caractères étroitement complémentaires : sa force est absolue entre les parties contractantes, mais nulle à l'égard des tiers, c'est-à-dire – de ce point de vue – relative. Ces deux traits, qui ne se sont jamais dessinés avec une netteté parfaite, ont été assez sensiblement affectés par l'évolution contemporaine.

Les pays de common law ont une notion très rigoureuse de l'obligation contractuelle. Celui qui a promis est tenu d'exécuter ce qu'il a promis, tel qu'il l'a promis : la promesse est la garantie d'un résultat qui doit être procuré, en principe, quoi qu'il arrive. Cette stricte doctrine répond à un souci de certitude des rapports juridiques, et à une conception commerciale des devoirs en affaires (non dépourvue d'une certaine signification morale). Les droits continentaux, plus laxistes, considéreraient davantage que le débiteur s'engage à fournir une prestation, c'est-à-dire à déployer certaines diligences ; il arrive donc qu'il ne soit tenu que sur le fondement de certaines considérations étrangères au contrat, qui relèvent parfois d'une idée d'équité : ainsi, le prêteur à titre gratuit peut reprendre prématurément la chose prêtée s'il en éprouve un besoin pressant et imprévu ; et, d'une façon générale, les causes de libération du débiteur sont entendues plus largement que dans la common law. Cette opposition schématique ne doit pas être poussée trop avant ; les droits continentaux connaissent des obligations contractuelles de résultat, et la force de l'obligation, dans la common law, peut être mitigée par la prévision (même implicite) des parties. D'autre part, plus profondément, les deux familles de droit se rejoignent sur ce point : en cas d'inexécution imputable au débiteur, la sanction de principe consiste en une réparation par équivalent, en une allocation de dommages-intérêts qui libère le contractant défaillant.

Si bien qu'on pourrait dire sans grande exagération que toute obligation contractuelle est alternative : le débiteur a le choix entre exécuter, d'une part, et compenser sa carence par le paiement d'une somme d'argent, d'autre part. Le contraste est net entre ces vues individualistes et lucratives et une optique sociale selon laquelle la force du lien contractuel est fonction de l'intérêt qu'il présente pour la collectivité. En droit socialiste, le contrat, qui concourt à l'accomplissement des tâches du plan, doit être exécuté réellement ; le versement d'une somme d'argent ne peut pas équivaloir à l'exécution des obligations requises, il ne dispense pas le débiteur d'exécuter le contrat. À l'inverse, une modification du plan entraîne une modification, voire une disparition, des obligations contractuelles. Cette idée que l'intérêt économique de la nation réclame le bon fonctionnement des contrats, mêlée de préoccupations de justice distributive, s'est fait jour dans de nombreux pays libéraux, sous forme d'une possibilité de révision des obligations devenues excessivement onéreuses – et pratiquement inexécutables – par la survenance d'événements extraordinaires et imprévisibles.[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de l'université de Madagascar

Classification

Pour citer cet article

Georges ROUHETTE. CONTRAT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ADMINISTRATION - Le droit administratif

    • Écrit par Jean RIVERO
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    • Écrit par Paul RICŒUR
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