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CONCURRENCE, droit

Mise en œuvre

La mise en œuvre du droit de la concurrence suppose, d'une part, que l'on connaisse le domaine d'application territorial des règles édictées par chaque pays ou en Europe ; elle implique, d'autre part, l'intervention d'autorités compétentes et l'application de sanctions.

Domaine d'application territorial

Les ententes et les opérations de concentration revêtent souvent un caractère international. Des ententes se sont formées, bien avant la Première et surtout la Seconde Guerre mondiale, entre des entreprises ou des groupes d'entreprises géants, dans le domaine du pétrole (Standard Oil et Shell), des produits chimiques (Du Pont de Nemours, Imperial Chemicals, I.G. Farben, Solvay), de la construction électrique (General Electric, Westinghouse, A.E.G., Siemens-Schukert, Philips, Brown-Boveri), de la sidérurgie (Comptoir sidérurgique de France, Stahlwerken-Verband, British Iron and Steel Federation), etc. De véritables concentrations internationales ont été réalisées, soit à partir de sociétés d'un pays prenant le contrôle de sociétés étrangères dont elles faisaient leurs filiales, soit par de véritables fusions économiques, alors même que l'instrument juridique d'une fusion internationale fait encore défaut.

En outre, des ententes ou des concentrations même nationales peuvent avoir des effets anticoncurrentiels sur un ou plusieurs marchés extérieurs (notamment par une répartition de ces marchés, par des pratiques concertées à l'exportation, ou par l'acquisition d'un monopole ou d'un quasi-monopole).

De ce double point de vue, l'entente ou la concentration relèvent de plusieurs législations et autorités ; parmi celles-ci, quelle est ou quelles sont celles qui peuvent les appréhender ?

La question est complexe. La nationalité étrangère d'une ou plusieurs des entreprises participant à l'opération anticoncurrentielle ne suffit pas (sauf dispositions législatives expresses en ce sens, qui demeurent exceptionnelles) pour faire obstacle à l'application des lois sur la concurrence d'un pays déterminé. Ainsi, par exemple, les lois allemande ou française s'appliquent à toutes les restrictions de la concurrence ayant leurs effets sur le territoire national, même si elles ont leur origine en dehors de ce territoire ; la jurisprudence américaine avait auparavant pris la même position, notamment dans l'affaire Alcoa, jugée en 1945, où la simple intention d'un cartel étranger de restreindre les exportations de lingots d'aluminium vers les États-Unis a été considérée comme suffisante pour entraîner l'application du droit antitrust.

L'application extraterritoriale du droit antitrust risque cependant de porter atteinte à des souverainetés étrangères. Aussi le juge américain n'a-t-il traditionnellement affirmé sa compétence à l'égard de comportements extérieurs produisant leurs effets sur le territoire des États-Unis que lorsqu'il a estimé son intervention suffisamment justifiée compte tenu de la nationalité ou de la résidence des auteurs de l'acte, des incidences respectives des comportements domestiques et étrangers, de l'importance relative des effets dans les différents pays concernés, de la probabilité d'une atteinte au marché américain, des risques de conflit entre les lois et les politiques en présence et des difficultés d'exécution de la décision. Au-delà, la loi Sherman a été modifiée en 1982 pour ne plus concerner que les comportements extérieurs ayant « un effet direct, substantiel et raisonnablement prévisible ». L'application extraterritoriale des lois européennes sur la concurrence est subordonnée par la jurisprudence à des conditions similaires. La même solution paraissait admise en droit de l’Union. Toutefois, la Cour de justice est revenue, dans le domaine du droit des ententes, sur cette jurisprudence en 1988 (arrêt « Pâte de[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d'économie à l'université de Paris-IX-Dauphine
  • : professeur à l'université de Paris-II, président honoraire
  • : professeur à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas, directeur de l'Institut de droit comparé de Paris

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