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CHARLEMAGNE (742-814)

L'empereur

Maître d'un royaume singulièrement « dilaté », protecteur de l'Église et du peuple chrétien qui avait trouvé son unité spirituelle sous sa conduite, Charlemagne jouissait d'une autorité immense. Il l'accrut encore, comme l'écrit Eginhard, « en se conciliant l'amitié de plusieurs rois et de plusieurs peuples ». Des relations étroites se nouèrent entre l'Église franque et l'Église anglo-saxonne. Avec le plus puissant des rois anglais, Offa de Mercie, Charlemagne entretint des rapports courtois, interrompus parfois par des moments de mésentente ; en 809, il parviendra, avec l'aide du pape, à faire restaurer en Northumbrie le roi Eardulf qui, renversé par ses sujets, s'était réfugié auprès de lui ; son prestige, s'il faut en croire son biographe, rayonna jusqu'aux princes bretons de l'ouest de l'île. En 798, il vit venir à lui une ambassade du roi Alphonse II de Galice qui se déclara « son homme » et lui proposa de lutter en commun contre l'islam. De Palestine lui arrivèrent en 799 et en 800 des messagers du patriarche de Jérusalem l'invitant à assumer la protection des Lieux saints et de la communauté chrétienne. Les relations excellentes qui s'instauraient à ce même moment entre la cour franque et le calife abbasside Haroun ar-Rachid (échanges d'ambassades entre 797 et 807) permirent à Charlemagne d'exercer en Terre sainte, sinon un protectorat juridiquement défini, du moins une sorte de tutelle morale et d'étendre sa sollicitude aux églises, monastères et hospices de Palestine. Les rapports du roi des Francs avec l'Empire byzantin furent plus complexes ; d'abord bons au point qu'il fut question en 781 d'un mariage entre une de ses filles, Rothrude, et le jeune empereur Constantin VI, ils s'envenimèrent lorsque Charlemagne tenta d'étendre sa suprématie à l'Italie du Sud – depuis la création du royaume d'Italie et de l'État pontifical, Byzance la considérait comme un domaine réservé à son influence exclusive – et quand l'impératrice-régente Irène eut réuni à Nicée le VIIeconcile œcuménique sans y inviter l'Église franque (787). Il en résulta une période de tension, marquée par des opérations militaires et la condamnation en règle de la politique religieuse byzantine par les Livres carolins. Cette tension dura jusqu'en 797, lorsque Irène, qui avait saisi le pouvoir impérial, se hâta de faire la paix avec le roi des Francs.

Couronnement de Charlemagne en 800, enluminure - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Couronnement de Charlemagne en 800, enluminure

On conçoit dès lors que le prestige et le pouvoir de Charlemagne vers la fin du viiie siècle soient parvenus à un point où le titre royal à dû paraître insuffisant pour les exprimer l'un et l'autre. Le roi se trouvait comme tout naturellement porté vers une dignité supérieure. Aux yeux de l'élite intellectuelle, celle-ci ne pouvait être que l'Empire. Et de fait, au cours des années qui précèdent 800, on rencontre dans certaines sources le terme d'empire (romain ou chrétien) pour traduire la réalité carolingienne. Charlemagne, quant à lui, semble s'être contenté d'abord d'imiter l'empereur en titre, celui de Byzance, par un certain nombre de signes extérieurs renforçant son prestige et enseignant qu'il était « le roi semblable à l'empereur » : le palais et surtout la chapelle de sa résidence d'Aix, où il se fixa vers 792, devaient être la réplique de ceux de Constantinople. Dans ces conditions, tout porte à croire que l'initiative de faire du roi des Francs un empereur soit venue de la papauté. Successeur d'Hadrien Ier, élu en 795, le pape Léon III, dont la situation était mal assurée, se rapprocha étroitement de Charlemagne et s'efforça de rendre efficace une protection dont il avait le plus grand besoin, en orientant sur le roi la tradition de Constantin,[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon

Classification

Pour citer cet article

Robert FOLZ. CHARLEMAGNE (742-814) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Charlemagne - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Charlemagne

700 à 800. De 'Abd al-Malik à Charlemagne - crédits : Encyclopædia Universalis France

700 à 800. De 'Abd al-Malik à Charlemagne

Empire carolingien - crédits : Encyclopædia Universalis France

Empire carolingien

Autres références

  • COURONNEMENT IMPÉRIAL DE CHARLEMAGNE

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 212 mots

    Le couronnement de Charlemagne consacre le rôle européen du monarque. Sacré roi des Francs en 754, à l'initiative de son père, Pépin III dit le Bref, et en même temps que lui, Charles accède au trône en 768 ; il le partage avec son frère Carloman jusqu'à la mort de celui-ci, en...

  • AIGLE IMPÉRIALE

    • Écrit par Hervé PINOTEAU
    • 542 mots

    Oiseau de Zeus puis de Jupiter, patron de Rome, l'aigle fut employé par les Barbares qui le considéraient comme le symbole de l'Être suprême (Édouard Salin). Des indices prouvent que Charlemagne l'employa au sommet du mât de ses navires (denier de Quentovic, après 804) et en mit...

  • AIX-LA-CHAPELLE

    • Écrit par Francis RAPP
    • 871 mots
    • 1 média

    Chef-lieu de district dans le Land de Rhénanie-du-Nord - Westphalie, Aix-la-Chapelle (en allemand, Aachen), dont la population était de 243 330 habitants en 2014, est une ville thermale et un centre culturel au riche passé.

    Le nom d'Aix-la-Chapelle (en latin Aquae Grani, ou Aquisgranum) est...

  • AIX-LA-CHAPELLE, histoire de l'art et archéologie

    • Écrit par Noureddine MEZOUGHI
    • 1 001 mots
    • 2 médias

    Aix connut son apogée quand Charlemagne s'y installa définitivement, en 794. Il entreprit alors la construction d'un vaste palais sur un plan régulier imité de l'Antiquité romaine. L'ensemble a malheureusement disparu, à l'exception de la célèbre chapelle...

  • ALCUIN, lat. ALBINUS FLACCUS (730 env.-804)

    • Écrit par Marcel PACAUT
    • 193 mots
    • 1 média

    Clerc anglo-saxon, né à York, Alcuin fut dans cette ville l'élève d'Aelbert, auquel il succéda à la tête de l'école cathédrale. Il fut alors regardé comme l'un des maîtres de la culture chrétienne anglaise. En 782, il est appelé par Charlemagne pour présider l'école...

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Voir aussi