Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHASTEL ANDRÉ (1912-1990)

Des exigences nouvelles

Les travaux scientifiques d'André Chastel lui ont valu une célébrité nationale et internationale dont témoignent, entre autres, son élection à l'Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres) en 1975, l'invitation qui lui fut faite de donner à Washington les Mellon Lectures de 1977 (d'où est issu Le Sac de Rome, 1984) ou sa nomination à la présidence du Centro internazionale di studi di architettura Andrea Palladio de Vicence en 1980. Mais ils n'expliquent pas à eux seuls l'influence exercée en France. Non content de former une génération par son enseignement à l'École des hautes études (1951-1978), à la Sorbonne (1955 à 1970), au Collège de France (1970 à 1984), Chastel s'est dépensé sans compter pour donner des assises plus solides à l'histoire de l'art. À la différence de l'archéologie, en effet, la discipline n'avait pas de tradition universitaire en France et elle s'est longuement heurtée à une sorte d'incompréhension dans un pays où l'on ne distinguait pas clairement le discours littéraire sur l'art, pratiqué depuis Diderot, de l'étude scientifique des œuvres. La rubrique tenue par André Chastel dans Le Monde depuis l'origine du journal a pu contribuer, dans le grand public, à faire évoluer les esprits. Ses efforts, en tout cas, ont abouti à deux décisions majeures, assurant des assises solides à sa discipline : la création de l'Inventaire général par André Malraux en 1964, et celle de la Revue de l'art en 1968.

Dans le premier cas, il s'agissait d'instituer au sein du ministère de la Culture un service nouveau, lié au C.N.R.S., qui étudierait les « monuments et richesses artistiques » de chaque région et susciterait par là même un intérêt nouveau pour le patrimoine national. Initiateur de l'entreprise, Chastel l'a animée pendant vingt ans. Quant à la création de la Revue de l'art par le C.N.R.S., avec le concours du ministère de la Culture, elle a donné aux historiens de l'art français – responsables de la revue à travers le Comité français d'histoire de l'art – le moyen d'expression qui leur manquait. Depuis l'origine, Chastel en a assumé la direction : il lui a imposé un style et en a fait une grande revue scientifique.

Parmi ses autres réalisations, il faut mentionner l'étude globale conduite lors de la transformation et du renouvellement du quartier parisien des Halles. Système de l'architecture urbaine (1977) est directement issu de cette expérience. André Chastel est également à l'origine de la création d'une section d'histoire de l'art au sein de l'Académie de France à Rome ou de la publication intégrale des Vies de Vasari en français (1981-1986). Ces succès ne doivent pas faire oublier que l'histoire de l'art n'occupait pas en France la place qui lui était reconnue en Allemagne, en Italie et surtout aux États-Unis. Ce fut le dernier combat d'André Chastel, qui donna lieu au rapport sur la situation de l'histoire de l'art en France remis au Premier ministre en 1983 (publié en 1984 par la Revue de l'art, no 63) et qui a abouti en 2001 à la création de l'Institut national d'histoire de l'art (I.N.H.A.), un centre d'étude capable de répondre efficacement aux besoins des chercheurs.

André Chastel a marqué de façon définitive l'histoire de l'art française : il l'a arrachée au provincialisme en lui imposant des exigences nouvelles, il a formé directement ou indirectement la plupart des historiens de l'art moderne aujourd'hui à œuvre dans l'Université, l'Inventaire, les musées... Tous ne comprennent pas l'histoire de l'art de la même façon que lui et cela est sain, mais tous savent qu'ils travailleraient dans des conditions plus difficiles s'il n'avait pas ouvert[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean GUILLAUME. CHASTEL ANDRÉ (1912-1990) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ART ET HUMANISME À FLORENCE AU TEMPS DE LAURENT LE MAGNIFIQUE, André Chastel - Fiche de lecture

    • Écrit par Martine VASSELIN
    • 1 018 mots
    • 1 média

    L'ouvrage d'André Chastel (1912-1990) Art et humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique est la forme publiée de sa thèse, revue par ses soins une vingtaine d'années plus tard. Au sommet de sa carrière, il donnait ainsi une forme nouvelle à un travail considérable, portant...

  • CONTEXTE, arts

    • Écrit par Frédéric ELSIG
    • 1 039 mots

    La notion de « contexte », apparue conjointement à celle de « milieu » dans les préoccupations positivistes des années 1860, est devenue centrale en histoire de l'art au cours de la seconde moitié du xxe siècle, sans toutefois susciter de véritable théorisation. Établi selon des paramètres...

  • FRANCE (Arts et culture) - Le patrimoine

    • Écrit par Nathalie HEINICH
    • 6 813 mots
    • 2 médias
    ...1860, par Mérimée dans les provinces françaises ; et elle ne sera institutionnalisée qu'un siècle plus tard avec la création en 1964, à l'initiative d'André Chastel et André Malraux, de l'Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France. Ce service a pour mission non pas...
  • INSTITUT NATIONAL D'HISTOIRE DE L'ART (INHA)

    • Écrit par Éric de CHASSEY
    • 1 566 mots
    • 1 média
    En 1983, l’historien de l’art André Chastel, collègue de Thuillier au Collège de France, est chargé d’un rapport sur la « création d’un Institut national d’histoire de l’art » – où seraient réunis bibliothèques, documents, archives – en mesure d’accueillir les chercheurs et...
  • TRAITÉ DE LA PEINTURE, Léonard de Vinci - Fiche de lecture

    • Écrit par Martine VASSELIN
    • 1 235 mots
    • 1 média

    Vers 1490, à la cour de Ludovic le More, duc de Milan, Léonard de Vinci (1452-1519) songeait déjà à composer un traité, dont le manuscrit A de la bibliothèque de l'Institut à Paris contient le projet et le premier noyau. Jusqu'à sa mort, il ne cessa de rédiger des notes, élargissant, compliquant...

Voir aussi