AIR, musique
Dans le langage commun, on a pris l'habitude de désigner par le mot « air » la musique destinée à être chantée. On oppose ainsi, dans la chanson, l'air aux paroles. Par extension, on en est arrivé à employer le mot « air » dans le cas de toute mélodie suffisamment connue pour être immédiatement identifiée par l'auditeur. On parle donc indifféremment de l'air de Marguerite (dans Faust de Gounod), de l'air de Don Carlos (dans Don Carlos de Verdi), de l'air d'une chanson, et même de l'air d'une œuvre instrumentale complexe, comme l'air d'une symphonie de Brahms. Il semble donc que l'on ait tendance à retenir seulement de la signification du mot « air » un aspect plus psychologique que musical, à savoir ce qui est perçu comme mélodiquement facile, et peut s'inscrire sans effort dans la mémoire.
Une première restriction au sens du mot « air » nous conduit à l'envisager dans le cas seulement où la mélodie qu'il désigne est spécialement conçue pour être adaptée à des paroles. C'est ainsi que l'on parle de l'air d'une chanson ou d'un air d' opéra. En ce qui concerne l'air d'opéra, il s'agit le plus souvent de parties ayant une construction musicale propre, et destinées à être liées entre elles par les récitatifs. Cette construction musicale propre leur donne la faculté d'être chantées séparément, comme parties d'un concert. On a donc écrit des airs spécialement destinés au concert.
Ceux-ci sont devenus, depuis la fin du xvie siècle, des pièces chantées à une ou plusieurs voix et exécutées avec un accompagnement instrumental. On les trouve sous cette forme en France – ce sont les airs de cour – pendant presque tout le xviie siècle. À partir de cette époque, l'air de concert devient une œuvre d'une certaine étendue, chantée à une seule voix accompagnée par l'orchestre. Au concert comme à l'opéra, l'air tend alors vers une forme musicale plus stricte. C'est ainsi que l'aria da capo obéit à des règles de composition codifiées.
Mais les airs peuvent aussi être purement instrumentaux. Dans les suites ou partitas, qui font partie de l'abondante littérature de concert fleurissant au xviie siècle, le mot « air » (ou « aria ») désigne les parties musicales qui ne sont pas des danses. Il s'agit donc de sortes d'intermèdes conçus, le plus souvent, à partir d'une mélodie continue.
En tant que forme musicale, l'air atteint sa perfection au xviiie siècle pour s'éteindre ensuite progressivement. L'évolution de l'opéra fait disparaître le découpage en récitatifs et airs. Parallèlement, l'air de concert est abandonné peu à peu, car on estime qu'il ne peut supporter d'être privé de références dramatiques.
L'air dans l'opéra, la cantate et l'oratorio
Dans ces formes d'expression musicale, l'air est une partie destinée à mettre le chanteur en valeur ; la priorité y est donc accordée à la mélodie. On peut donc distinguer les ensembles (chœurs, duos, trios, etc.), les récitatifs et les airs. Par opposition au récitatif, l'air représente un arrêt momentané du déroulement dramatique, propre à permettre un épanchement lyrique. Mais, dès la seconde partie du xviie siècle, la virtuosité des chanteurs étant devenue très grande et les auditeurs s'étant habitués à préférer la manifestation de cette virtuosité à l'expression purement musicale, les airs d'opéra prirent une apparence beaucoup plus formelle que lyrique. C'est à la suite de cette évolution que l'on vit l'air se séparer de l'opéra pour apparaître au concert. Sommairement, il présente alors la structure suivante : d'abord une ritournelle instrumentale dans laquelle, selon[...]
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Écrit par
- Michel PHILIPPOT : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris
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